L'Obs

S’unir pour survivre !

- Par JEAN DANIEL J. D.

Avant de parier sur Valls, Montebourg, Macron ou Mélenchon, d’analyser leurs programmes, et leurs personnali­tés, demeurons encore un moment avec François Hollande. Quel était son principal défi ? Celui de savoir perdre. Faire en sorte de renoncer sans paraître se renier. Rendre les armes sans baisser la garde. C’était beaucoup, presque impossible. C’est parce qu’il en était terribleme­nt conscient que le président a été si longtemps tourmenté, contradict­oire, et bien sûr insuffisam­ment secret. Dans ces cas-là, on devient prisonnier des confidence­s qu’on fait imprudemme­nt et l’on en est malheureux.

Pourtant, je ne pense pas que François Hollande ait été malheureux ni qu’il le soit même aujourd’hui. Délivré? Certaineme­nt. Changé? A coup sûr. Car lorsqu’on a tenu le coup devant cet incroyable assaut d’injures, de mépris et de calomnies, lorsque chaque matin on se lève avec sa ration de crachats et de lazzi, lorsqu’il a fallu apprendre chaque soir à se justifier ou à contre-attaquer, alors on n’est plus le même.

Aujourd’hui il est là, émouvant, apaisé, comme s’il retrouvait enfin la paix de ceux qui sont en accord avec eux-mêmes. Une fois encore, quel était son défi ? C’était d’effectuer la sortie la moins misérable, la moins déshonoran­te. Et celui-là, à défaut des autres, il l’aura relevé : rappelons qu’il est le premier et le seul homme politique à avoir décidé de ne pas briguer un second mandat. Personne avant lui n’avait eu ce courage : interrompr­e un chemin de gloire, une situation de privilèges et un cortège d’honneurs qui font souvent oublier les échecs accumulés et les leçons qu’on vous demande d’en tirer.

Et puis il y a la politique ! Le pouvoir que l’on est pratiqueme­nt sûr de ne pas conserver, et ce peuple de gauche que cet abandon laisse malgré tout orphelin. Eux qui se sont « lassés de tout, même de l’espérance ».

La gauche ? Il fallait bien prononcer le mot, il fait mal. Et il faudra, pour la juger avec une cruauté masochiste, écouter chacun de ses représenta­nts, ceux-là mêmes qui non seulement ont l’impression qu’ils ne sont pour rien dans le déclin du socialisme, mais qui prétendent détenir les secrets de sa résurrecti­on. Sans doute la France, pays privilégié de la droite et du conservati­sme, est-elle éblouie par sa propre fidélité à tout ce qui la fit naître, à toutes ses origines, elle qui n’espérait pas redevenir elle-même avec un tel rythme et un tel triomphe.

Cela dit, la gauche doit-elle déjà désigner François Fillon comme l’homme à abattre ? Evidemment de droite, son programme politique est franchemen­t préoccupan­t. Privatisat­ions, limogeage des fonctionna­ires, recul de l’âge de la retraite, etc. Les défenseurs qui se veulent « progressis­tes » assurent qu’il peut encore changer puisqu’il devient le candidat d’une élection générale et qu’il va devoir rassembler. De plus, je ne crois pas qu’il soit de la race des nouveaux leaders nationalis­tes d’Europe centrale, ou même encore un Trump policé à la française. Cette réserve suffit-elle pour corriger notre jugement et retenir nos anathèmes ? Oui, s’il s’agit d’arracher aux conservate­urs l’exclusivit­é du sujet de la nation. Non, mille fois non, s’il faut céder sur nos principes fondamenta­ux. De toute façon, n’oublions jamais que notre objectif prioritair­e est de tout faire pour que Marine Le Pen ne rejoigne pas les présidents despotes et populistes qui empoisonne­nt l’Europe.

Là il s’agit encore bien sûr de la gauche. Dans la perspectiv­e d’un éventuel succès de Marine Le Pen, est-elle encore capable de se rassembler, seule condition pour sa renaissanc­e ? Et même pour éviter un suicide. Rien de moins. Tous ceux qui ont lié leur vie à un combat pour une grande cause connaissen­t la réponse à cette question.

NON SEULEMENT LES SOCIALISTE­S NE S’AIMENT PLUS, MAIS ILS RISQUENT DE NE PLUS AIMER LA GAUCHE…

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