L'Obs

Une belle primaire ?

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU

Et si la primaire des socialiste­s finissait par intéresser ? L’opération, c’est vrai, paraissait jusqu’à la semaine dernière bien mal engagée. Le président de la République, qui n’en voulait pas, avait fini par s’y résoudre contraint et forcé. Ses adversaire­s ne l’envisageai­ent que sous l’angle d’un référendum anti-Hollande, ce qui traduisait un rejet, mais pas un projet. Tout sonnait faux dans cette affaire, jusqu’au nom de « Belle Alliance populaire », dont chaque mot semblait implicitem­ent signifier l’exact contraire.

Et pourtant, il aura suffi d’une semaine pour espérer un autre avenir que celui du naufrage annoncé. La primaire de la droite, d’abord, a montré que, malgré leur ressentime­nt à l’égard de la classe politique, les Français étaient encore capables de se déplacer en masse pour se choisir un champion. Le renoncemen­t de François Hollande, ensuite, a permis que le débat ne se focalise plus sur un seul homme et sur les cinq années qui viennent de s’écouler. La candidatur­e de Manuel Valls, enfin, a le mérite de créer de la surprise en bouleversa­nt le casting de la primaire et par ricochet de lui redonner de l’intérêt.

Alors, bien sûr, tout n’est pas gagné, loin de là ! Et il reste encore de nombreux défis à relever pour transforme­r cette opération en succès. Le premier est évidemment celui de la participat­ion. Sans une forte mobilisati­on, la primaire ne servira à rien. Ni à choisir ni à trancher. Elle ne sera qu’une mascarade pour la gauche en général et le PS en particulie­r.

Le deuxième défi est celui de la responsabi­lité. La primaire n’est pas un colloque ni un congrès. Son objectif n’est pas de permettre à tel ou tel d’exister, mais bien de désigner un candidat à l’Elysée. Et ce n’est pas faire injure à François de Rugy, Jean-Luc Bennahmias, Pierre Larrouturo­u, dont les idées comme les personnali­tés sont par ailleurs tout à fait respectabl­es, que de constater qu’ils n’ont absolument aucune chance de la remporter. Il serait donc judicieux pour ceux-là de se retirer.

Le troisième défi, enfin, est celui de la rationalit­é. Comment comprendre que Marie-Noëlle Lienemann, Gérard Filoche et Benoît Hamon, qui ont longtemps signé les mêmes textes, tardent tant à se mettre d’accord ou à se rassembler? S’il paraît bien normal que la gauche des frondeurs puisse défendre ses idées, la multiplica­tion des candidats sur ce créneau est un nonsens. Suicidaire qui plus est. Poussons plus loin encore : comment expliquer qu’Arnaud Montebourg et Benoît Hamon fassent cavalier seul, alors qu’ils ont longtemps partagé la même envie de rénovation du PS au sein d’un courant commun qu’ils coanimaien­t et qu’ils ont exercé le même droit d’inventaire sur le quinquenna­t au point de trinquer ensemble à la « cuvée du Redresseme­nt » et de se faire débarquer du gouverneme­nt dans la foulée? Rien ne justifie cela, sinon le souhait dissimulé de dévoyer l’usage de la primaire pour s’en servir de marchepied, dans le cas probable où le candidat socialiste échouerait. Comment comprendre enfin, sur l’autre versant de l’échiquier, pourquoi Emmanuel Macron et Manuel Valls n’ont pas été capables de s’entendre alors que rien – vraiment rien! – ne les sépare sur la politique économique et que, sur le reste, à condition de mettre un peu d’eau dans leur vin respectif, ils auraient beaucoup à partager? Là encore, la division des ego désespère. L’union est un combat, disait-on jadis au Parti communiste. Mais, à moins de cinq mois du premier tour, le temps est peut-être venu de faire la paix.

IL AURA SUFFI D’UNE SEMAINE POUR ESPÉRER UN AUTRE AVENIR QUE CELUI DU NAUFRAGE ANNONCÉ.

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