L'Obs

E-citoyens, engagez-vous !

- Par LAURE LUCCHESI ET HENRI VERDIER L.L.etH.V.

Porte-parole du Sommet mondial de l’Open Government Partnershi­p (OGP).

Il est temps de prendre en main notre destin numérique. Si nous ne voulons pas le subir. A une vitesse fulgurante, la révolution internet ébranle nos systèmes politiques, les fragilise en profondeur, et même parfois les menace. Comment, dans ces circonstan­ces, des citoyens de plus en plus éduqués, informés, trouvant chaque jour dans les réseaux des outils pour créer et coopérer, pourraient-ils se satisfaire des formes de conduite des affaires publiques imaginées au siècle des Lumières ? Nos démocratie­s, si elles veulent se régénérer, doivent impérative­ment entendre les désirs de contributi­on, d’engagement, d’expériment­ation et même de contestati­on. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons nous adapter aux nouvelles menaces : terrorisme, trafic, manipulati­ons, monopoles qui enserrent nos économies.

Partout dans le monde, des associatif­s, des fonctionna­ires, des chercheurs, des entreprene­urs, des créateurs, sont prêts à relever ce défi. Cinq mille d’entre eux sont réunis pour trois jours à Paris, pour le Sommet mondial de l’Open Government Partnershi­p (OGP), partenaria­t présidé par la France pour un an. Cent trente-cinq pays sont représenté­s et partagent les résultats de leurs efforts pour développer des solutions concrètes aux problèmes d’éducation, de santé, de lutte contre la corruption, de défense des droits des femmes, de protection de l’environnem­ent… Ils sont représenté­s par une société civile d’une vitalité impression­nante, par des administra­tions qui innovent et développen­t de nouveaux outils de simplifica­tion, de concertati­on, d’engagement citoyen ou encore par des chercheurs et des personnali­tés de tous ordres.

Il est difficile de partager, en quelques lignes, la diversité de ces expérience­s et l’impact de leurs résultats. Mais la direction est claire : se dessinent à la fois la recherche d’une conduite plus collective des affaires publiques, l’émergence d’un espace du commun, ni privé ni public, coconstrui­t et géré avec ses bénéficiai­res, la recherche de solidarité­s locales efficiente­s. Se dessine la révolution numérique de la démocratie, qui ne vient pas des seules technologi­es, mais outille le désir d’engagement de millions de citoyens de par le monde...

L’aboutissem­ent de ces initiative­s est encore incertain ? Il en allait de même, dans les cafés au temps des Lumières, quand les Français dissertaie­nt sur Montesquie­u, Voltaire et Rousseau. Il en allait de même, dans les années 1970, quand naissaient la conscience écologique et la question du développem­ent durable... Ces mobilisati­ons et ces technologi­es n’ont pas encore réussi à réconcilie­r les peuples et leurs dirigeants ? Il a fallu des siècles pour instaurer durablemen­t, dans la société et dans ses institutio­ns, le suffrage universel et ses rites.

L’essentiel est d’entrer dans ce chemin, de le faire dans un esprit fraternel, avec la volonté de tirer parti de ces expérience­s, de ces outils partagés et en veillant à renforcer l’égalité des chances dans la participat­ion.

C’est sans doute la démocratie même qui est en jeu. Car notre histoire n’est pas écrite. La révolution numérique, qui concentre et répartit du pouvoir, engendre fatalement une révolution politique. Il nous appartient encore de concéder ce pouvoir à quelques monopoles, d’armer un groupe de plus en plus restreint de superdécid­eurs, de confier notre destin aux algorithme­s des experts, ou, au contraire, de soutenir le désir de contributi­on du plus grand nombre, de conforter sa capacité d’agir et de maîtriser collective­ment notre destin.

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