L'Obs

Les belles et les bêtes

28 BÊTES : UN CHANT D’AMOUR, PAR MARIE NDIAYE ET DOMINIQUE ZEHRFUSS, GALLIMARD, 64 P., 18,50 EUROS.

- JÉRÔME GARCIN

Voici des animaux vraiment fabuleux. Il neige dans le ventre russe du zèbre africain, des icebergs flottent dans l’estomac de l’éléphant et une sirène s’alanguit dans celui du rhinocéros, qui porte des bas résille et des talons hauts. L’obélisque de Louxor figure le cou de la girafe, un phare s’est glissé dans celui de l’autruche et la poule a le gosier en pente – des chutes d’eau se jettent dans un lac bleu-vert. Allez comprendre, il y a des licornes dans le corps des homards, des gondoles sous la peau des serpents, les signes du zodiaque sur le dos des crapauds et on fait l’amour dans les bosses du chameau. Ici, nos amies les bêtes sont des patchworks aux couleurs éclatantes exécutés, à la gouache, par une paysagiste qui a fait le tour du monde et de la mythologie. Ce n’est pas seulement beau, c’est aussi fascinant : on passerait des heures à se promener dans les palmeraies, les rizières, les déserts, les montagnes et les jardins minuscules qu’abritent ces créatures gigantesqu­es. Dominique Zehrfuss les a dessinés avec un soin de miniaturis­te et un art d’enlumineus­e. Elle est très douée. Elle est à son affaire. Les animaux, elle connaît. Relire « Peau de caniche » (Mercure de France, 2010), où elle confiait avoir endossé, dans la Tunisie de Bourguiba et devant ses parents, le rôle du chien savant, avoir été « le Mozart des caniches ». C’était bien avant de connaître « un autre chien perdu sans collier », un certain Patrick Modiano, qu’elle épousa et à qui elle doit d’être devenue « un être humain ». Ce bestiaire merveilleu­x, mais sans roquet, prolonge ses rêves d’enfant avec la complicité de Marie NDiaye, qui a composé pour les tableautin­s de Dominique Zehrfuss mieux que des légendes : des poèmes amoureux où le désir est parfois animal.

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