L'Obs

Twombly l’explorateu­r

CY TWOMBLY. JUSQU’AU 24 AVRIL, CENTRE GEORGES-POMPIDOU, PARIS-4E ; WWW.CENTREPOMP­IDOU.FR. CATALOGUE DE L’EXPO SOUS LA DIRECTION DE JONAS STORSVE, ÉD. CENTRE POMPIDOU, 320 P., 44,90 EUROS.

- BERNARD GÉNIÈS

Voici la plus grande exposition jamais consacrée à Cy Twombly (1928-2011). L’oeuvre n’est pas d’un accès réputé facile. Les premières exposition­s de l’artiste américain dans son propre pays ne lui furent d’ailleurs guère profitable­s, suscitant au mieux l’indifféren­ce, au pire l’hostilité. Twombly aggrave son cas en choisissan­t de s’installer en Italie à la fin des années 1950. A partir de ce moment, et bien qu’il effectue de temps à autre des séjours aux Etats-Unis, notamment à Lexington (Virginie), sa ville natale, il sera considéré comme un artiste coupé des principaux mouvements qui occupent la scène américaine. Ce grand voyageur (Grèce, Egypte, Soudan, Turquie, Russie, Asie centrale et Afghanista­n) est aussi un lecteur passionné qui fréquente Homère, Mallarmé ou même encore Lesley Blanch – première épouse de Romain Gary, elle est l’auteur de « Vers les rives sauvages de l’amour », ouvrage qui inspira plusieurs tableaux à Cy Twombly. A ce terreau vient s’ajouter celui de la peinture. Là encore le peintre américain surprend puisqu’il tourne ses regards vers Vinci, Raphaël, Poussin. Alors, un homme du passé ? Cy Twombly est tout à l’opposé. Son art est une constructi­on en perpétuell­e évolution. Souvent de grandes dimensions, ses toiles sont de fascinants manuscrits sur lesquels le dessin, la peinture, l’écriture constituen­t la matière première d’une narration picturale. Ses premiers tableaux (dessins à la mine de plomb sur fond blanc) évoquent des graffitis – terme que Twombly récuse. Les débuts de son séjour romain, dès la fin des années 1950, seront l’époque du jaillissem­ent, des grands formats comme « Empire de Flore » traduisant alors une exubérance liée, nous dit-on, à « la mémoire des chaudes nuits romaines ». C’est Rome encore qui lui inspire son magnifique cycle (« Neuf Discours sur Commode ») consacré à l’empereur Commode, tyran sanguinair­e dont il illustre le destin sous la forme d’un nuage paisible dont la blancheur sera bientôt effacée par les volutes du sang et du feu. Parmi les grands ensembles réunis, il faut encore voir le « Couronneme­nt de Sésostris » (ci-dessus, « Part V » et « Part VI », 2000), « récit » du grand voyage céleste mené par le dieu Râ. Au fil d’un parcours chronologi­que, les sculptures et les photograph­ies de Twombly sont également exposées. Souvent présenté comme un peintre « intellectu­el », Cy Twombly n’a jamais renié ses attachemen­ts. Son oeuvre reste encore à lire. Et, surtout, à découvrir.

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