Le sens de l’orientation
Le bac en poche, mieux vaut avoir une idée en tête. Université ou grande école? Filière courte ou master? Voici comment faire naître votre projet de formation et d’insertion professionnelle
Julien est en terminale S, mais il voeux hésite sur ce qu’il veut faire l’année prochaine : une prépa sciences ? Une prépa commerce ? « En discutant ensemble, on s’est rendu compte que sa vraie motivation était d’abord l’innovation technologique avant l’envie d’avoir des responsabilités », raconte Alix Eimery, psychologue clinicienne au Centre d’Orientation et d’Examens psychologiques (Corep), à Paris. En sortant de son rendez-vous, Julien a donc opté pour les sciences. L’association à but non lucratif a reçu 375 élèves de terminale en 2015, et leur a offert un coup de pouce précieux à l’heure des choix et des orientations. Mais pour ces centaines-là qui trouvent, comme Julien, une réponse à leurs hésitations, combien restent un peu pétrifiés ?
Rien n’est perdu! Car l’orientation est d’abord affaire d’imprégnation et d’introspection. Le projet d’études et de métier ne surgit pas ex nihilo mais se construit chemin faisant. Maintenant que l’on n’est plus agriculteur, boulanger ou assureur de père en fils, il faut chercher et se chercher. Et commencer par se garder du chant des sirènes. Surfant sur l’angoisse du choix, les offres d’aide se multiplient. La profession de coach scolaire se développe, les salons d’éducation font le plein, les sites internet fleurissent, un service public régional de l’orientation a été lancé en 2013 par plusieurs ministères, dont celui de l’Education… « Mais quand on ne sait pas ce qu’on veut faire, on sort souvent d’un centre d’information et d’orientation (CIO) plus perdu encore qu’en y entrant », reconnaît Benoit Deverly, de la FIDL, une des associations lycéennes, qui prodigue des conseils sur son site. Lui n’en aura pas besoin. En terminale S à Paris, son choix est arrêté. Il fera de l’histoire. Et il a choisi la fac plutôt qu’une prépa littéraire : « Je veux avoir plus de liberté et pouvoir militer. »
Mais par où commencer? Sans doute d’abord par un petit bilan personnel. Les études que l’on va choisir mènent à de grandes familles de métiers. En fait d’activité, qu’aime-t-on spontanément? A quoi passe-t-on son temps libre (à part voir des copains, surfer sur internet… et dormir?) Et au hasard des conversations avec ceux qui ont déjà une activité professionnelle, quelles sont celles qui font le plus écho en soi? Mieux vaut oublier les métiers de l’environnement si on s’ennuie comme
un rat mort dans la nature, l’école d’art si on manie le crayon comme un piolet, le professorat si les histoires d’école ne réveillent rien en soi… Tout ce travail pour mieux se connaître gagne à être partagé avec ses proches… et ses profs, en tout cas ceux avec lesquels on s’entend bien. Ils ne sont pas formés à l’orientation, comme le regrette Benoit Deverly, mais ils ont l’expérience des destins scolaires. Même si rien dans ce que disent tous ces adultes n’est totalement prescriptif, évidemment.
La filière dans laquelle on est inscrit au lycée est une loi d’airain. Un bac pro métallurgie ne conduit pas aux métiers agricoles. Etre en L ferme les portes des études de médecine, et réduit à rien les chances de réussir le concours en fin de première année (mais il existe quelques rares passerelles plus tard…). Là aussi, le personnel de l’établissement peut aider à circonscrire l’univers des possibles. Une fois ce premier débroussaillage fait, des sites officiels sont précieux. Celui de l’Onisep balaie les orientations en fonction du bac obtenu, et propose des vidéos où les professionnels décrivent leur métier. « Cela permet de sérier les secteurs envisageables », poursuit la psychologue Alix Eimery. Et nos guides « l’Obs étudiants » vous permettront notamment d’avoir une vue claire et indépendante sur les avantages de chaque filière.
Ces travaux d’approche sont nécessaires avant d’aborder la plateforme APB (admission-postbac.fr), qui va gérer les voeux de la majorité des 650 000 bacheliers de 2017. L’énorme machinerie réussit à offrir une place dans l’enseignement supérieur à chacun. Une gageure! APB concerne tous les bacheliers de moins de 26 ans qui veulent s’inscrire en première année d’études, qu’ils préparent leur bac ou qu’ils l’aient déjà. Dès le 1er décembre, le « Guide du candidat » est disponible sur le site d’APB. Plus de 12000 formations sont enregistrées et décrites précisément. Toutes… sauf quelques exceptions (Sciences-Po Paris, Dauphine, des formations paramédicales et sociales, des écoles d’art…). Dès le 20 janvier, le candidat peut aller sur le site et commencer à choisir. Un clic vaut un voeu pour une formation dans un établissement. On peut choisir jusqu’à 24 voeux, sans en dépasser 12 par grandes familles (12 en « licence », 12 en « CPGE » ou 12 en « IUT »…). La démarche est bien expliquée sur le site.
Le choix d’une filière sélective (CPGE, double licence, BTS…) se fait dans n’importe quelle académie. Certaines licences très demandées, dites « en tension » (droit, économie, psychologie, sciences et techniques des activités physiques et sportives [Staps]…) sont repérées par une pastille orange. Il y en a 78 sur les 2000 licences d’université. Pour celles qui sont particulièrement chargées, le lycéen fait un voeu groupé sur son secteur, en général son académie, et, si ce voeu-là est finalement retenu par le logiciel APB, il sera affecté dans l’un ou l’autre établissement. Une nouveauté cette année : afin d’éviter d’avoir une proposition d’admission dans une université très éloignée de son domicile, le candidat pourra intercaler un autre voeu à l’intérieur de ce « voeu groupé ».
La procédure se complique parfois. Pour Paces en Ile-de-France, par exemple, les candidatures dépassent les 7500 places des sept universités médicales. La priorité est donnée aux Franciliens, pour lesquels il y a un « traitement automatisé critérisé » : « On prend en compte le rang de voeu, puis l’affectation finale se fera en juillet en fonction notamment des résultats scolaires, pour assurer une mixité dans les sept UFR… », explique Sylvie Boudrillet, au CIO Mediacom, à Paris. « Cela dit, tous les candidats d’Ile-de-France qui ont demandé Paces en voeu 1 en 2016 ont eu une proposition d’admission. » Il y a aussi les licences « libres », reconnaissables à leur pastille verte. On est sûr d’y avoir une place. Si l’on a un bac général, il faut obligatoirement en choisir une comme base de repli, au cas où on n’aurait obtenu aucun autre de ses voeux. Enfin, des écoles de commerce et d’ingénieurs proposent des concours communs via APB (Groupe Insa pour les écoles d’ingénieurs, par exemple). Un concours commun compte pour un voeu.
Pour la session 2017, cette première phase dure du 20 janvier au 20 mars. Les candidats ont donc trois mois pour trier, retirer, détricoter leurs voeux, dans la limite de 24. Et s’ils doutent, « ils peuvent solliciter un avis sur le voeu qu’ils viennent d’émettre via internet ou en téléphonant à un numéro vert », poursuit-on au secrétariat d’Etat à l’Enseignement supérieur. Ils auront ensuite jusqu’au 31 mai au soir pour affiner leurs choix. Le temps de réfléchir à tête reposée, de mener leur enquête auprès d’anciens élèves, notamment au cours des journées portes ouvertes des établissements.