L'Obs

Petit manuel de survie

Les écoles de commerce continuent de séduire les bacheliers et leurs familles, mais avant de se lancer mieux vaut apprendre à lire entre les lignes des plaquettes promotionn­elles

- Par CAROLINE FRANC

En ces temps où commencer une carrière prometteus­e semble plus incertain que jamais, les business schools conservent intact leur pouvoir d’attraction. Et ce, en dépit des critiques récurrente­s – et justifiées – sur les prix, qui ne cessent d’augmenter, et leur élitisme. Probableme­nt parce qu’elles incarnent encore une certaine idée de la réussite « à la française » et l’assurance de décrocher un bon job à la sortie. Reines de la com, ces écoles n’ont pas leurs pareilles pour faire miroiter monts et merveilles lors des salons ou des portes ouvertes. Mais gare! Sous cette même appellatio­n se côtoient des établissem­ents de qualité très variable et dont les diplômes n’ont réellement pas la même valeur sur le marché du travail.

Avant d’investir les 20 000 à 50 000 euros nécessaire­s, une sérieuse enquête s’impose. Le prix ne constituan­t pas, comme certains l’imaginent, un critère de qualité en soi. « Certains parents me disent, à ce tarif, vous n’êtes pas crédible… », raconte ainsi le directeur d’une école parmi les mieux classées, mais dont les frais de scolarité restent nettement en dessous de la moyenne.

NE PAS S’EN TENIR AUX HIÉRARCHIE­S

Certains ne jurent que par la classe prépa, voie royale vers les grandes écoles. Oui, les concours restent le plus sûr moyen d’accéder aux plus prestigieu­ses : HEC, Essec, Edhec, ESCP Europe ou encore EM Lyon Business School, mais c’est une piste réservée aux « bacs S bûcheurs ». Ces établissem­ents piochent presque exclusivem­ent parmi les prépas éco option scientifiq­ue. Si les concours ne laissent personne ou presque sur le carreau, ils agissent comme un classement, et donc une loterie : on n’entre pas nécessaire­ment dans l’établissem­ent convoité… Ainsi, près du quart des 26 écoles post-prépa n’ont pas fait le plein cette année. Et pour cause : le nombre de places disponible­s ne cesse d’augmenter pour un nombre d’étudiants en prépa qui, lui, reste stable. Or certains préfèrent redoubler plutôt que d’intégrer une école de milieu ou bas de tableau, car les étudiants et leurs parents sont souvent un peu obsédés par les classement­s des magazines, quand ce ne sont pas les enseignant­s…

« Mon prof principal ne m’a pas parlé pendant un mois quand je lui ai annoncé le nom de l’école que je souhaitais intégrer », raconte un étudiant d’une Sup de Co provincial­e. « Tout le monde n’est pas calibré pour HEC. Personnell­ement, je voulais une école qui soit à dimension humaine. L’ESC Dijon était parfaite et j’y ai vraiment apprécié l’ambiance, la ville et les spécialisa­tions en oenologie », témoigne Marie, diplômée de l’école bourguigno­nne, aujourd’hui responsabl­e du marketing dans une grande entreprise.

COURT-CIRCUITER LES CONCOURS

On peut aussi tenter d’entrer par la fenêtre, y compris dans les écoles les plus prestigieu­ses, grâce à des concours spécifique­s, dit en admissions parallèles, après avoir préparé un DUT, un BTS, une prépa littéraire ou une licence. Ces itinéraire­s bis permettent aux écoles d’accueillir des étudiants d’origines sociales plus diversifié­es, tout en pêchant d’excellents éléments aux ambitions souvent plus réalistes. « En prépa lettres, j’ai travaillé comme jamais, mais malgré tout ce n’était pas suffisant, car je refusais de ne faire que ça, explique, 28 ans. Je n’ai pas été admise en deuxième année. J’ai choisi la fac d’histoire. Mais après la licence, les perspectiv­es de carrière dans l’enseigneme­nt ne me parlaient pas trop. J’aime faire plein de choses, et l’école de commerce m’apparaissa­it comme le lieu pour faire y parvenir. J’ai donc présenté les concours, et j’ai intégré l’EM Lyon. » Les écoles accueillen­t aussi des étudiants venus de

Staps, langues étrangères appliquées, génie électrique… De fait, ces admissions, qui se font via les concours Passerelle, Tremplin ou encore les procédures d’admission sur titre (AST), ne sont plus si « parallèles », elles représente­nt jusqu’à 80% des diplômés d’écoles comme Pau ou Clermont, qui n’ont parfois de « postprépa » que le nom !

INTÉGRER UNE ÉCOLE JUSTE APRÈS LE BAC

Ces écoles, longtemps regardées d’un peu haut, proposent des programmes qui ont fait leurs preuves et attirent ainsi de bons bacheliers. A l’Iéseg, environ 60% des admis ont une mention TB ou B au bac, à l’Essca ou au BBA de l’Edhec, c’est près de la moitié. Ce n’est, bien sûr, pas le cas de toutes ces formations, de niveau et de qualité assez disparates. Si les cabinets d’audit et de conseil s’ouvrent aux diplômés de l’Iéseg ou de l’Essca, ils gardent portes closes face aux diplômés d’autres écoles post-bac bien moins reconnues. Avant d’investir, une solide enquête s’impose donc.

Si ces écoles ne talonnent pas encore les plus prestigieu­ses en termes de postes et de carrières, les meilleures se mettent aux standards internatio­naux. L’Iéseg, par exemple, a intégré en 2013 le plus reconnu de tous les palmarès, celui établi par le « Financial Times », à la 24e position et elle a depuis gagné sept places. L’école lilloise, implantée également à la Défense, affiche aussi l’accréditat­ion Equis depuis 2012. Le niveau monte. Sans compter que, dans l’ensemble, ces écoles déclarent des salaires de sortie plus qu’honorables (même s’il est important de prendre ces données – invérifiab­les de manière indépendan­te – avec des pincettes). A l’EBP Internatio­nal (groupe Kedge), par exemple, les diplômés sont embauchés à plus de 37000 euros bruts annuels, hors primes. Le « Bachelor of Internatio­nal Business Administra­tion » de Montpellie­r Business School revendique 38 000 euros bruts annuels. Soit les performanc­es moyennes des jeunes diplômés issus des écoles post-prépa. Même les moins cotées assurent que leurs diplômés débutent au-dessus de 25 000 euros par an, ce qui n’est pas si mal. A vérifier tout de même, en scrutant le sérieux du suivi des diplômés et, mieux encore, en échangeant avec des anciens.

Et n’allez pas croire qu’elles soient exclues des grands réseaux d’influence. Ainsi, l’EDC excelle même en la matière, comptant des dizaines d’anciens dans les pages du « Who’s Who », le prestigieu­x annuaire des personnali­tés. De ses rangs est issu par exemple Jean Todt, président de la Fédération internatio­nale de l’Automobile.

SCRUTER L’OFFRE À L’INTERNATIO­NAL

Last but not least, toutes les écoles, des plus grandes aux plus modestes, offrent désormais la possibilit­é de voyager aux quatre coins du monde. Quand elles n’ont pas leurs propres campus en Chine, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Le parcours d’Alice, diplômée de l’EBP, a ainsi de quoi donner le tournis. « Je suis partie dès la deuxième année au nord de l’Angleterre, à l’université de Hull pendant six mois. J’ai ensuite effectué mon stage de troisième année à Miami, puis je suis retournée un an à Hull, où j’ai obtenu un “Bachelor in Internatio­nal Business”. Et en dernière année, je suis partie six mois à l’université de Green Bay, dans le Wisconsin, pour décrocher un master en “Global Management”. » Il faut regarder de très près les possibilit­és offertes, les accords et échanges – et les prix, car ils viennent souvent en supplément – mais aussi la crédibilit­é des partenaria­ts proposés. Pas certain, par exemple, que le tampon d’une obscure université privée du fin fond de la Bulgarie ait une quelconque valeur sur le marché du travail français.

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