Les nouveaux incubateurs
Prépas, doubles licences, masters spécialisés… La fac peut être la voie de l’excellence et de l’emploi. A condition de choisir les bons cursus
A22 ans et à peine embauché, Nicolas a la responsabilité de former ses collègues à un nouveau logiciel de gestion de production. Au sein de la PME ariégeoise Taramm, où il a fait son master en alternance, il est le seul à maîtriser cet outil utile à la production de pièces en titane pour Airbus ou Dassault. C’est cette compétence très pro qui a fait la différence au moment de signer son contrat. Et Nicolas ne la doit pas à une grande école. Il est diplômé de la licence et du master en mécanique aéronautique de Toulouse-III, un programme dont « les cours sont diversifiés et qui permet d’acquérir des connaissances en conception, en contrôle des structures et en productique. Une diversité qui me permet de parler avec aisance à nos clients comme à nos sous-traitants », explique le jeune homme.
Avec un taux d’intégration professionnelle de 100% à six mois et des salaires d’embauche tournant autour de 30000 euros annuels, ce master n’est pas une exception. Juste un exemple parmi les programmes universitaires qui comptent de petites promotions (parfois 20 étudiants au plus), des cours dispensés en grande partie par des professionnels, des stages et des spécialités ciblés. Ainsi, les taux d’insertion des diplômés en master (91% en maths ou en informatique, 86% en droit) sont à faire pâlir d’envie les écoles qui, pour des coûts bien plus élevés et sans forcément obtenir les mêmes résultats, squattent les forums et les salons étudiants. Pour environ 250 euros par an, la fac permet de se construire un CV solide et recherché. Tour d’horizon de quelques pépites.
LES PRÉPAS DE LA FAC
Nombreux sont les bons élèves à penser que les prépas aux grandes écoles ne sont pas pour eux. L’université propose une alternative avec des classes adossées à un premier cycle universitaire. Surtout scientifiques (à Paris-Sud ou Paris-Diderot), pas encore très nombreuses, elles se développent et on en trouve également en économie et gestion (Lille-I). Cédric, 20 ans, termine son parcours à Marseille au sein de la licence MPCI (maths, physique, chimie, informatique). Auparavant, il avait tenté une prépa « classique » au lycée Thiers, toujours dans la cité phocéenne. « Le rythme de travail est tout aussi intense, mais cela vient progressivement. Et nous sommes plus libres d’organiser notre travail et de renforcer ce qui nous intéresse vraiment », compare-t-il. Si l’éventail des écoles accessibles est un peu plus restreint que pour une prépa classique, la MPCI de Marseille s’enorgueillit d’avoir vu tous les étudiants de sa première promotion (en 2015) admissibles au concours des Ecoles centrales.
LES ALTERNATIVES À LA PRÉPA
Pour garder un maximum de portes ouvertes lorsqu’on ne sait pas très bien ce que l’on veut faire une fois le bac en poche, la prépa n’est pas la seule solution. Les universités proposent également des doubles cursus croisant des disciplines variées : licence droit et histoire de l’art à Paris-I,
lettres modernes et philosophie à Grenoble-III, droit et langues à Tours… Autre formule, les filières internationales. Paris-I propose une double licence réputée en droit franco-allemand. Les étudiants passent leur temps entre les deux pays avant de choisir une spécialisation juridique en master 1. De même, le programme « Minerve » de Lyon-II permet aux inscrits en sciences humaines, sociales et en droit de suivre des cours dispensés en espagnol, italien ou allemand, avant de partir à l’étranger en L3. La maîtrise des langues est un atout qui permet de choisir plusieurs voies, voire d’opérer des virages à 180 degrés et d’intégrer par exemple un master en… management. Dauphine a ainsi créé le master 2 « Humanités et management » car, comme l’explique sa responsable Elena Lizon, « les littéraires forts en langues sont appréciés par les entreprises aujourd’hui globalisées ». Ce master trilingue forme des consultants, des gestionnaires ou des chargés de recrutement.
DES FORMATIONS TRÈS PROS
De nombreux programmes sont construits avec les entreprises, et offrent à leurs diplômés des spécialisations à la pointe de la demande. Exemple avec un programme court, la licence pro. En un an (au terme d’un bac+2), elle permet de se spécialiser dans des métiers parfois nouveaux, comme celui de « designer culinaire ». « Ce nouveau métier, aux frontières de la cuisine et du design, répond aux besoins des grandes tables de faire évoluer leur carte », explique Sébastien Le Tacon, responsable du parcours Création en design et art culinaire à l’université de Cergy-Pontoise. Côté masters, les « Miage » (méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises), par exemple, ont été créées il a une quarantaine d’années à la demande d’industriels. Toujours au diapason des besoins exprimés par les entreprises partenaires (Atos, Capgemini, Microsoft…), ils placent en quelques mois l’ensemble de leurs diplômés. Sandrine, diplômé de la Miage d’Aix, s’est payé le luxe cette année de quitter son premier job obtenu à Paris, après cinq mois à peine, car des raisons personnelles la rappelaient dans le Sud-Est. Elle n’a même pas eu à envoyer de CV : le cabinet de conseil en technologie Alten cherchait pour Airbus Helicopters un chef de projet en maîtrise d’ouvrage. Il l’a embauchée à peine arrivée !
DES BUSINESS SCHOOL À L’UNIVERSITÉ
La Toulouse School of Economics (composante de l’université Toulouse-I), créée il y a cinq ans, tire ses programmes pointus de son adossement à un centre de recherche mondialement reconnu. On peut y suivre un cycle préparatoire en deux ans, mais l’accès à la 3e année de licence est sur concours (250 places). De même, Dauphine est aujourd’hui à la fois une université, une école spécialisée en finance et une marque qui brille sur un CV. D’autres formations existent, qui talonnent les écoles de commerce : ce sont les IAE. Au nombre de 32, ils proposent une double compétence en management à des licenciés en sciences ou en lettres avec leur programme MAE (master « Administration des entreprises »), affichent des formations variées en ressources humaines, marketing, audit ou gestion et dispensent certains de leurs programmes en anglais. « Les IAE jouent le rôle d’ascenseur social, ils préservent l’égalité des chances et n’ont rien à envier aux écoles de commerce : de plus en plus de chefs d’entreprise recherchent nos diplômés », affirme Sarah Lempereur, directrice exécutive du réseau.
L’IAE d’Aix est particulièrement reconnu. Le « Financial Times » vient de lui attribuer la 10e place au niveau mondial pour le rapport coût/salaire… Peu d’écoles de commerce peuvent en dire autant. Il est vrai que nombre de ses diplômés commencent leur carrière à 40000 euros annuels.
Mais pour intégrer ces masters vedettes, il faut réussir les trois premières années à la fac. Or une minorité d’étudiants valident leur licence en trois ans. Lorsqu’on se sent perdu, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide par le biais des tutorats, des conseillers d’orientation et des réseaux d’anciens. L’université est souple : il est toujours possible de se réorienter. Lorsqu’on hésite, faire une double licence ou choisir des options qui ajoutent des compétences et se trouver plusieurs stages permet de modifier son parcours en douceur. Avec la réforme de l’entrée en master, les universités devraient bientôt pouvoir sélectionner à l’entrée en master 1. Ce que les professeurs recherchent, c’est la cohérence et la motivation. Exemple à Reims, où le master « Administration des entreprises culturelles » attire certains diplômés en sciences humaines parce que c’est « plus sympa que de travailler dans la banque ». Ce type de candidature est d’emblée rejeté alors que 200 à 300 candidats briguent une vingtaine de places, explique Jean-Claude Nemery, son responsable. « Nous regardons si le candidat a eu une mention, s’il a montré un intérêt sur l’événementiel, le théâtre, les musiques actuelles, etc. Le côté associatif est très important. Ce n’est pas une pure sélection académique. » A bon entendeur…