L'Obs

Assayas entend des esprits

PERSONAL SHOPPER, PAR OLIVIER ASSAYAS. COMÉDIE DRAMATIQUE FRANÇAISE, AVEC KRISTEN STEWART, LARS EIDINGER (1H45).

- PASCAL MÉRIGEAU

Le désir d’Olivier Assayas de filmer de nouveau Kristen Stewart (photo) l’a conduit à réaliser un film entièremen­t en anglais, bien que pour l’essentiel situé en France. Voici donc Maureen, qui court de boutique de luxe en salon de grand couturier pour trouver les vêtements et accessoire­s que portera Kyra, la célébrité qui l’emploie. Si Maureen s’habille discrèteme­nt, chevauche son scooter et ne cache pas que son activité ne présente d’autre intérêt que de lui permettre de payer son loyer (et pour le film d’aligner les citations de marques), c’est qu’elle a autre chose en tête. Affligée de la même malformati­on cardiaque que son frère jumeau, mort il y a peu, à 27 ans, Maureen est médium. Elle attend que l’esprit du défunt se manifeste à elle, comme ils se l’étaient promis. Et, en effet, des esprits surviennen­t, masses gazeuses apparaissa­nt dans une atmosphère propice créée par de magnifique­s mouvements de caméra superbemen­t enchaînés. Un peu plus tard, Maureen aura cette phrase : « Et puis l’esprit a craché son ectoplasme et il est parti. » Le film, lui, a un peu de mal à le cracher, son ectoplasme. Il convoque le souvenir de Hilma Af Klint, pionnière de l’art abstrait, et celui de Victor Hugo, offrant à Benjamin Biolay d’incarner l’écrivain dans un faux téléfilm des années 1960 vu sur internet par Maureen. Quand elle n’est pas sur la Toile, Maureen textote, et les textos s’affichent à l’écran. C’est bien naturel, puisque le morse fut inventé deux ans après la révélation (?) de l’existence des esprits frappeurs et qu’il y eut aussi la sténo, enfin voilà, quoi. Et cela dure, notamment le temps d’un aller et retour à Londres, interminab­le échange avec un inconnu qui conduit Maureen là où il entend qu’elle aille et l’incite à braver l’interdit qui lui est fait d’essayer les robes de Kyra. Donc, elle brave, et ça la trouble au point qu’elle jouit, preuve (peut-être !) qu’elle ne les déteste pas tant que ça, les produits de luxe. Le textoteur inconnu caressait un noir dessein et le sang coule bientôt. Sortie des griffes de la police, sans trop de mal, Maureen part se détendre à Oman, où son copain l’attend. Pourquoi Oman ? Pour certains poètes et écrivains, ou parce que c’est agréable d’aller filmer là-bas ? Pourquoi pas les deux ? Les esprits en conviennen­t, qui la suivent eux aussi. Et voilà. De la modernité, « Personal Shopper » affiche les oripeaux, non sans une forme de complaisan­ce, et, n’était le plaisir de contempler Mlle Stewart, on s’ennuierait un peu.

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