Le dessous des cartes Larcher, le démineur social de Fillon
Les propositions sociales du candidat LR ont jeté un froid. Le président du Sénat, ancien ministre du Travail, rencontre un à un les responsables syndicaux pour tenter de les rassurer
François Fillon a choisi son ambassadeur social: c’est Gérard Larcher, l’ancien ministre du Travail de Jacques Chirac. En 2006, c’est déjà lui qui avait repris les choses en mains après la vague de violentes manifestations contre le contrat première embauche qui avait abattu Dominique de Villepin. Quelques semaines plus tard, au terme d’une série de consultations avec les syndicats, l’actuel président du Sénat avait présenté un texte rendant la concertation des partenaires sociaux obligatoire avant toute prise de décision politique. La loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social porte son nom.
A 67 ans, Gérard Larcher est rompu à l’exercice de la négociation, déjà au sein de sa propre maison. Aussi a-t-il repris son bâton de pèlerin pour aider le candidat de la droite, dont il fut un soutien de la première heure. « Ou plutôt son bâton de déminage », souligne son entourage. Première étape : inviter tous les responsables syndicaux et patronaux à la discussion d’ici au 19 janvier. Celui qui a ouvert le bal a été Jean-Claude Mailly. Reçu mercredi dernier sous les ors du palais du Luxembourg, le secrétaire général de FO a trouvé Larcher « égal à lui-même ». Bonhomme, à l’écoute, abordant les sujets qui fâchent sans tabou. « C’est quelqu’un qu’on connaît bien à FO, on se voit deux à trois fois par an », précise Mailly.
L’échange a porté sur la suppression prévue de 500000fonctionnaires sur cinq ans, la possibilité pour les entreprises de porter la durée hebdomadaire du travail à 48 heures (le maximum européen), la réforme de l’assurance-chômage qui pourrait déboucher sur une dégressivité des allocations. Des mesures potentiellement explosives, qui peuvent mettre les salariés dans la rue et qui ont inquiété également certains barons de droite, comme Bernard Accoyer.
Les grands syndicats s’inquiètent particulièrement de la fin du monopole syndical au premier tour des élections professionnelles, car elle permettrait l’émergence de petites formations… et minerait leur pouvoir. Sur ce point, un bémol a déjà été apporté par le « démineur »: « Le discours est adouci », assure-t-on chez Larcher. Sur un autre sujet, celui de l’assurance maladie, François Fillon s’est lui-même livré à un exercice d’équilibriste pour tenter d’éteindre l’incendie provoqué par ses premières propositions de réforme. La couverture des soins sera « comme aujourd’hui », a-t-il assuré dans « le Figaro ».
Le prochain sur la liste à être convié est Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, dont l’ancien ministre du Travail loue le « pragmatisme ». Puis ce sera le tour de Philippe Martinez, le rugueux patron de la CGT. Les deux hommes ont fait connaissance au moment de l’examen de la loi Macron sur la croissance. Ils se sont revus pendant la discussion sur la loi travail dans des circonstances que le président du Sénat rappelle avec gourmandise. Martinez boudait les invitations de Myriam El Khomri à se rendre à son ministère mais il n’a pas rechigné à honorer celle du président du Sénat. « L’un n’a pas retourné l’autre. Ils ont campé sur leurs positions », note-t-on à la Haute Assemblée.
La deuxième phase de cette opération de déminage aura lieu « début février ». Un bilan de ces consultations, conduites avec l’aide d’Eric Aubry (sans lien de parenté avec Martine Aubry), le conseiller spécial de Larcher pour les questions sociales, après avoir été celui de Fillon à Matignon, sera alors présenté au candidat LR à l’élection présidentielle de mai 2017. « Ce qui n’empêchera pas François Fillon de recevoir les partenaires sociaux en temps et en heure », indique-t-on au Sénat.
L’objectif affiché est d’aller vite. En cas d’élection à l’Elysée, Fillon entend réformer dès le mois de juillet par ordonnance, chômage et emploi étant l’une de ses priorités. Devant ses interlocuteurs, Gérard Larcher ne prend pas d’engagement. A chacun, il rappelle qu’il y a le temps du dialogue social « constructif », puis de la décision politique. Jean-Claude Mailly a pris acte de cette « volonté d’aller vite ». Mais attention, « en cas de passage en force, il va y avoir des problèmes », gronde-t-il. D’où la nécessité, dixit Larcher, de « faire de la pédagogie ».