10 choses à savoir sur… Mikhaïl Barychnikov
Considéré comme l’un des plus grands danseurs du XXe siècle, il incarne ce mois-ci la figure de Nijinski dans la pièce “Letter to a Man”, mise en scène par Robert Wilson
1 NIJINSKI
A 68 ans, Mikhaïl Barychnikov se révèle une fois encore un acteur prodigieux dans « Letter to a Man », l’étonnante mise en scène du journal de Vaslav Nijinski par Bob Wilson à l’Espace Cardin, jusqu’au 21 janvier (photo). Pour l’ancien danseur du Kirov, rien n’est plus émouvant que de travailler sur les écrits et la folie de son prédécesseur russe d’origine polonaise qu’on considère comme le premier chorégraphe moderne. Cette incarnation, Barychnikov a eu l’émotion de la représenter à l’Opéra de Monte-Carlo, sur la scène même où jadis avait dansé Nijinski.
2 BOB WILSON
C’est avec le metteur en scène Robert Wilson que Barychnikov a donné toute sa mesure. On le découvre en 2013 dans « The Old Woman », de Daniil Kharms, aux côtés de Willem Dafoe. Mais alors que ce dernier ne joue que de façon cérébrale, Barychnikov ajoute à un talent théâtral égal toute l’intelligence suraiguë de son expressivité corporelle.
3 FORMATION
Mikhaïl Barychnikov est né russe en 1948 dans la capitale de la Lettonie, alors annexée par l’Union soviétique. Il y suit ses premiers cours de danse avant d’accéder au saint des saints, l’école Vaganova de Saint-Pétersbourg (anciennement Léningrad), ex-académie impériale de danse qui jadis a formé Nijinski. Il a pour professeur l’un des plus grands pédagogues de l’époque, Alexandre Pouchkine, celui-là même qui avait façonné le jeune Noureev.
4 KIROV
Etre danseur étoile dès 1969 au ballet du Kirov (aujourd’hui Mariinsky) ne protège en rien de l’oppression et de l’étroitesse d’esprit du régime communiste. Impossible pour Barychnikov, condamné à l’art soviétique, de s’ouvrir à la création occidentale et aux grands chorégraphes de son temps.
5 AMÉRIQUE
En tournée au Canada en 1974, il y demande l’asile politique. Treize ans après Noureev, cette autre défection condamne une fois encore cette immense prison qu’est l’Union soviétique. Libre, il travaille avec l’American Ballet qu’il dirige ensuite de 1980 à 1989 et danse avec le New York City Ballet. Désormais, il est américain, soulignant que les dix ans vécus en Russie ne pèsent guère face aux quatre décennies passées aux Etats-Unis.
6 ÉTOILE
Avoir été sacré plus grand danseur du XXe siècle, avec Nijinski et Noureev, condamne à l’excellence. Après avoir interprété les grands ballets du répertoire, mais aussi s’être lancé dans la découverte des grandes figures de la danse de son temps (Graham, Cunningham, Balanchine, Robbins, Tetley, Ek…), Barychnikov renonce à un genre où il a fait figure de prodige dans le monde entier, l’âge ne lui permettant plus les mêmes prouesses.
7 CONTEMPORAIN
« Ce n’est pas l’âge qui importe, mais ce que l’on danse », énonce sagement le danseur. Six opérations au genou le portent à la prudence. S’il abandonne le ballet classique, il trouve dans la danse contemporaine des ouvrages intellectuellement plus exigeants, mais aussi plus abordables parce que requérant moins de virtuosité physique.
8 COMPAGNIE
Parallèlement aux commandes qu’il passera à de jeunes artistes, c’est aussi pour explorer des oeuvres modernes jamais représentées qu’il fonde la compagnie White Oaks Dance Project. Grâce à elle, de 1990 à 2002, on peut redécouvrir les premiers travaux des chorégraphes de la « post modern dance », créés dans les années 1970, à New York.
9 MÉCÈNE
En 2005, avec ses propres fonds et les aides multiples que lui procure sa célébrité, le danseur monte à New York ce centre artistique situé sur la 37e rue. Doté de salles de spectacle de 238 et 136 places, de studios qui abritent le travail de nombreux chorégraphes, cinéastes, plasticiens, gens de théâtre, il a pour vocation de créer des liens entre les disciplines et les artistes. En plus de Lucinda Childs, William Forsythe, Toni Morrison, Molly Davies, Laurie Anderson, Benjamin Millepied ou le Woorster Group, cent autres encore y ont travaillé.
10 RECONVERSION
Il est rare de voir un grand danseur devenir un aussi remarquable comédien: les deux disciplines, même si elles ont des points communs, exigent des démarches différentes, voire opposées. La maîtrise, la profondeur du jeu théâtral de Barychnikov, sa gravité, son sens de l’humour ou de l’absurde font immanquablement penser à ses origines russes. Comme sa danse.