L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

l n’y a pas de bulle Macron. N’en déplaise à ses adversaire­s, qui se sont longtemps persuadés du contraire, l’ancien ministre s’est bel et bien installé dans le paysage politique. Cela ne permet d’augurer en rien, bien sûr, du résultat de cette aventure au soir du 7 mai prochain. Mais le fait est là : en moins d’un an, parti de rien (ou presque…), l’ancien ministre de l’Economie est parvenu à ubériser la vie politique en général, et la gauche en particulie­r. Ceux qui ne voyaient en lui qu’une créature sondagière ou velléitair­e, une sorte de JeanLouis Borloo bien peigné, tout juste capable de faire un petit tour dans la campagne présidenti­elle avant de s’en aller, en sont pour leurs frais. Jeune, jamais élu, inclassabl­e sur l’échiquier, sans parti derrière lui ni programme arrêté, Emmanuel Macron est arrivé à casser tous les codes d’une « profession » jusquelà très réglementé­e.

A l’image de ces grosses entreprise­s concurrenc­ées par l’émergence soudaine d’une startup, les socialiste­s se sont lourdement trompés sur son compte parce qu’ils ont été incapables de comprendre ce qui se passait. Ils ont donc réagi comme des rentiers. D’abord en niant la possibilit­é : lorsque « l’Obs » a révélé dès mars dernier les intentions de l’ancien conseiller de l’Elysée, beaucoup ont commencé par ricaner et expliqué doctement que cela ne marcherait jamais. Ensuite en niant la réalité : alors que Macron recrutait ses « marcheurs » en nombre, les mêmes ont continué à se persuader qu’il ne s’agissait que d’un épiphénomè­ne et que la fameuse « bulle » finirait bien par éclater. Enfin en niant la légitimité : surpris par l’accélérati­on de l’exministre et contraints de constater qu’il se passait quelque chose, ils ont fini par crier au holdup, avant de tenter de l’engluer dans leur primaire. Sans succès…

Pendant ce tempslà, Emmanuel Macron, qui a étudié beaucoup plus qu’il n’y paraît le marché politique, a proposé une nouvelle offre : plus simple (un clic suffit pour s’inscrire à En Marche!), moins chère (pas de cotisation, contrairem­ent au PS), plus participat­ive (pas de catéchisme révolution­naire à respecter), plus connectée (une organisati­on pensée en réseau, plutôt qu’en pyramide)… UberMacron fournit même à ses adhérents un meilleur « service » : samedi dernier, à son meeting de la porte de Versailles, des militants tout sourire offraient ainsi une petite bouteille d’eau à chaque spectateur, comme le font les chauffeurs de VTC !

On voit d’ici les socialiste­s hurler à la gadgétisat­ion de la vie politique. Ils auraient tort. Car Emmanuel Macron, longtemps flou sur son programme, a par ailleurs commencé à dévoiler ses idées sans les attendre. Sur un créneau porteur – le renouveau –, le candidat multiplie les propositio­ns chocs. Mais il cite aussi désormais François Mitterrand à la tribune et distille les références qui parlent à la gauche réformiste en faisant applaudir la baisse des charges (coucou Valls !), la création de la police de proximité (coucou Jospin!), l’Europe (coucou Delors !), le maintien de la durée légale du travail à 35 heures (coucou Aubry!)… On pourrait continuer la liste. Faute d’avoir su se mettre en ordre de bataille en temps et en heure, les candidats à la primaire de la Belle Alliance populaire sont aujourd’hui condamnés à courir derrière lui. Avant – qui sait – d’être condamnés à s’entendre avec lui ?

EMMANUEL MACRON EST ARRIVÉ À CASSER TOUS LES CODES D’UNE “PROFESSION” JUSQUE-LÀ TRÈS RÉGLEMENTÉ­E.

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