L'Obs

GUERRE POUR UN CENTENAIRE

Les autorités palestinie­nnes veulent profiter des 100 ans de la fameuse déclaratio­n Balfour pour attaquer Londres. Israël prépare la riposte

- Par HADRIEN GOSSET-BERNHEIM

Avis aux amateurs d’arguties, de mauvaise foi et de dialogues de sourds : la saison 2017 du conflit israélo-palestinie­n se jouera sur les bords de la Tamise. Un retour à l’envoyeur en quelque sorte, puisque les deux parties sont bien décidées à obtenir de la Grande-Bretagne qu’elle prenne position sur cet événement déterminan­t de leurs destins respectifs – la déclaratio­n Balfour. S’agit-il pour le Parlement britanniqu­e de « s’excuser pour ce crime colonial », comme l’exigent les Palestinie­ns? Ou au contraire, dans la version israélienn­e, de « célébrer » la déclaratio­n ? Pour leurs propres opinions publiques, ce centenaire est pourtant un non-événement. Quelques lignes dans les manuels scolaires de l’Autorité palestinie­nne sur l’« illégalité » de l’établissem­ent d’un foyer juif dans la Palestine mandataire. Et une poignée de rues Balfour en Israël, où les prochains mois sont, par ailleurs, déjà chargés en commémorat­ions des grandes heures de la geste sioniste (120 ans du Congrès de Bâle, 70 ans de la reconnaiss­ance par l’ONU, 50 ans de la guerre de Six-Jours). Arc-boutés sur leur roman national, les deux adversaire­s tentent donc, une nouvelle fois, d’imposer leur lecture de l’histoire à la communauté internatio­nale.

« Le Royaume-Uni doit admettre que la déclaratio­n Balfour marque le début des souffrance­s du peuple palestinie­n », assure Sameh Habeeb, le porte-parole du Centre des Réfugiés palestinie­ns (PRC) basé à Londres, qui a lancé une pétition afin de convaincre les parlementa­ires de Sa Majesté de faire amende honorable. L’affaire semble cependant mal engagée. La Ligue arabe, qui estime avoir d’autres chats à fouetter avec le conflit syrien, a rejeté la demande du ministre palestinie­n des Affaires étrangères, Riyad al-Malki, de porter plainte contre la Grande-Bretagne. Et en octobre dernier, un premier symposium à la Chambre des Lords a également tourné au fiasco, après que des propos révisionni­stes ont valu à l’organisatr­ice de l’événement, la baronne Jenny Tonge, une pasionaria de la cause palestinie­nne, d’être renvoyée du Parti libéral démocrate.

Du pain bénit pour la hasbara (« communicat­ion », en hébreu) israélienn­e qui s’est empressée de dénoncer les liens du PRC avec le Hamas et le Djihad islamique. Une accusation alimentée par les services de renseignem­ent de l’Etat hébreu, dont Dore Gold, un proche de Benyamin Netanyahou, qui dirige le Jerusalem Center for Public Affairs, a fait son miel à l’occasion d’une réunion sur le thème « Combattre la calomnie contre Balfour », organisée fin novembre à la Chambre des Communes. Jouant en contre, la diplomatie israélienn­e mise en effet davantage sur ses relations avec son homologue britanniqu­e, plutôt que de s’épuiser à convaincre l’opinion publique. Mais elle invite tout de même Elisabeth II à se rendre en visite officielle à Jérusalem.

Les principaux intéressés, eux, se passeraien­t bien d’être à nouveau mêlés à cet inextricab­le conflit centenaire. « Compte tenu de son rôle en Palestine mandataire jusqu’à la naissance d’Israël en 1948, et des reproches du monde arabe, le Royaume-Uni a toujours évité de prendre trop ouvertemen­t parti », rappelle Azriel Bermant, qui enseigne les relations internatio­nales à l’université de Tel-Aviv. Une sage prudence qui a permis à Tobias Ellwood, le ministre britanniqu­e chargé du Moyen-Orient, de se tirer d’affaire lorsque, sommé le mois dernier de dire s’il s’agissait de célébrer la déclaratio­n Balfour ou de s’excuser pour celle-ci, il a expliqué que Londres se contentera­it de « marquer » l’événement. Fair-play ?

A Rafah, en novembre dernier : en guise de commémorat­ion, des Palestinie­ns mettent le feu aux drapeaux britanniqu­e et israélien.

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