GUERRE POUR UN CENTENAIRE
Les autorités palestiniennes veulent profiter des 100 ans de la fameuse déclaration Balfour pour attaquer Londres. Israël prépare la riposte
Avis aux amateurs d’arguties, de mauvaise foi et de dialogues de sourds : la saison 2017 du conflit israélo-palestinien se jouera sur les bords de la Tamise. Un retour à l’envoyeur en quelque sorte, puisque les deux parties sont bien décidées à obtenir de la Grande-Bretagne qu’elle prenne position sur cet événement déterminant de leurs destins respectifs – la déclaration Balfour. S’agit-il pour le Parlement britannique de « s’excuser pour ce crime colonial », comme l’exigent les Palestiniens? Ou au contraire, dans la version israélienne, de « célébrer » la déclaration ? Pour leurs propres opinions publiques, ce centenaire est pourtant un non-événement. Quelques lignes dans les manuels scolaires de l’Autorité palestinienne sur l’« illégalité » de l’établissement d’un foyer juif dans la Palestine mandataire. Et une poignée de rues Balfour en Israël, où les prochains mois sont, par ailleurs, déjà chargés en commémorations des grandes heures de la geste sioniste (120 ans du Congrès de Bâle, 70 ans de la reconnaissance par l’ONU, 50 ans de la guerre de Six-Jours). Arc-boutés sur leur roman national, les deux adversaires tentent donc, une nouvelle fois, d’imposer leur lecture de l’histoire à la communauté internationale.
« Le Royaume-Uni doit admettre que la déclaration Balfour marque le début des souffrances du peuple palestinien », assure Sameh Habeeb, le porte-parole du Centre des Réfugiés palestiniens (PRC) basé à Londres, qui a lancé une pétition afin de convaincre les parlementaires de Sa Majesté de faire amende honorable. L’affaire semble cependant mal engagée. La Ligue arabe, qui estime avoir d’autres chats à fouetter avec le conflit syrien, a rejeté la demande du ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad al-Malki, de porter plainte contre la Grande-Bretagne. Et en octobre dernier, un premier symposium à la Chambre des Lords a également tourné au fiasco, après que des propos révisionnistes ont valu à l’organisatrice de l’événement, la baronne Jenny Tonge, une pasionaria de la cause palestinienne, d’être renvoyée du Parti libéral démocrate.
Du pain bénit pour la hasbara (« communication », en hébreu) israélienne qui s’est empressée de dénoncer les liens du PRC avec le Hamas et le Djihad islamique. Une accusation alimentée par les services de renseignement de l’Etat hébreu, dont Dore Gold, un proche de Benyamin Netanyahou, qui dirige le Jerusalem Center for Public Affairs, a fait son miel à l’occasion d’une réunion sur le thème « Combattre la calomnie contre Balfour », organisée fin novembre à la Chambre des Communes. Jouant en contre, la diplomatie israélienne mise en effet davantage sur ses relations avec son homologue britannique, plutôt que de s’épuiser à convaincre l’opinion publique. Mais elle invite tout de même Elisabeth II à se rendre en visite officielle à Jérusalem.
Les principaux intéressés, eux, se passeraient bien d’être à nouveau mêlés à cet inextricable conflit centenaire. « Compte tenu de son rôle en Palestine mandataire jusqu’à la naissance d’Israël en 1948, et des reproches du monde arabe, le Royaume-Uni a toujours évité de prendre trop ouvertement parti », rappelle Azriel Bermant, qui enseigne les relations internationales à l’université de Tel-Aviv. Une sage prudence qui a permis à Tobias Ellwood, le ministre britannique chargé du Moyen-Orient, de se tirer d’affaire lorsque, sommé le mois dernier de dire s’il s’agissait de célébrer la déclaration Balfour ou de s’excuser pour celle-ci, il a expliqué que Londres se contenterait de « marquer » l’événement. Fair-play ?
A Rafah, en novembre dernier : en guise de commémoration, des Palestiniens mettent le feu aux drapeaux britannique et israélien.