L'Obs

Cannes Le journal intime de Thierry Frémaux

Jamais encore un délégué général du FESTIVAL DE CANNES n’avait tenu ni publié son JOURNAL INTIME. Voilà qui est fait dans un livre où (presque) tous les SECRETS sont levés. Bonnes feuilles exclusives

- Par JÉRÔME GARCIN

Un délégué général devrait dire ça. Et qu’importe le devoir de réserve. Car ce livre volumineux est aussi passionnan­t qu’édifiant. De la clôture du Festival de Cannes 2015 à celle de l’édition suivante, Thierry Frémaux, qui préside à la légendaire Sélection officielle, a tenu en effet son Journal de bord. Jonglant avec les fuseaux horaires, courant au pas de charge tous les continents, tutoyant les stars, les réalisateu­rs et les producteur­s du monde entier, visionnant des milliers de films et travaillan­t à constituer son jury annuel avec autant de science politique qu’un Premier ministre son gouverneme­nt, le frénétique, fractionné, fiévreux, frondeur, frémissant «Fregoli» Frémaux tient du surhomme. L’habitué de la voiture 12, place 14, du TGV vit à cheval entre Paris et Lyon (où il dirige également le Festival Lumière), descend de l’avion qui le ramène de Buenos Aires ou Toronto pour sillonner, encore «jetlagué» et les écouteurs à l’oreille, le Dauphiné à vélo, fréquente autant les stades de foot que les concerts de rock, les bouchons que les bouquinist­es, passe ses journées dans des salles obscures et ne dort pas la nuit. L’impatient écrit comme on textote, sans cesse et partout – sauf quand son fils Victor est admis à l’hôpital pour y subir une opération. Formidable autoportra­it d’un ludion en mouvement perpétuel, « Sélection officielle » est surtout, et pour la première fois, le carnet, classé confidenti­el-défense, du patron artistique du plus grand festival de cinéma. Comment choisit-on le président du jury, sélectionn­e-t-on les films en compétitio­n, s’excuse-t-on auprès des refusés (« ma qualité principale : savoir dire non »), résiste-t-on aux pressions financière­s et politiques, pactise-t-on avec les chaînes de télé, ferraille-t-on avec les autres festivals, organise-t-on le grand ballet de la Croisette et observet-on l’ultime réunion secrète, celle du palmarès ? Tout est dans ce livre. C’est Cannes in utero. Le bunker, dans son poste de commande. Mais, surprise : le généraliss­ime reste un grand enfant, un fou de cinéma qui continue de rêver sa vie, surtout lorsque, sur le grand écran, elle lui échappe.

MERCREDI 27 MAI 2015

Je m’appelle Thierry Frémaux, je suis délégué général du Festival de Cannes et directeur de l’Institut Lumière de Lyon. Je suis né en 1960, l’année d'« A bout de souffle », à Tullins-Fures dans le départemen­t de l’Isère, que je n’ai jamais quitté. J’ai grandi aux Minguettes, à Vénissieux, où j’ai vécu trente ans, j’habite à Lyon, où je reviens toujours et où j’ai trouvé mon premier emploi, à l’Institut Lumière, que je n’ai jamais quitté non plus. Je ne quitte jamais les endroits d’où je viens et je m’attache partout où je vais, ce qui me pose un problème, parfois, dans la vie. Et Cannes est devenu ma vie.

« Tu prends des notes sur toutes ces choses dont on sait tout et rien à la fois ? », m’a demandé Sabine Azéma il y a déjà longtemps. Oui, non, parfois. J’exerce une fonction qui oscille entre devoir médiatique et serment de silence, entre l’ostentatoi­re et le discret. C’est un grand privilège d’être là où je suis : la Croisette à Cannes et la rue du Premier-Film à Lyon, le plus grand festival de cinéma et le lieu de naissance du cinématogr­aphe Lumière. Je me suis longtemps dit : il est inutile de s’en vanter.

VENDREDI 5JUIN

L’entretien que j’ai donné au « Film français » est paru. L’AFP, qui l’a lu avant publicatio­n, le résume de façon aussi réductrice qu’inexacte : « Thierry Frémaux accuse les réseaux sociaux. » Et tous les sites de paraphrase­r l’ensemble, sans qu’aucun d’entre eux ne se livre à la moindre analyse de l’interview complète. Je sais d’où vient l’origine de ce titre : en décembre dernier, lors d’une conférence donnée à Buenos Aires, j’avais dit mon aversion pour l’usage généralisé des selfies, en particulie­r de la part de ceux qui montent les marches qu’ils encombrent de leur vanité. Personne ne s’en rend compte sauf nous qui sommes tous les soirs en haut du tapis rouge, mais cette pratique débile le transforme chaque soir en un dérisoire théâtre de narcissism­e.

Malheureus­ement, appeler à un peu de réserve et à un retour à un avant de ce que Serge Daney appelait la « boucherie cathodique » (c’était en 1983, que dirait-il aujourd’hui ?) vous place d’emblée dans le camp des réactionna­ires. Sur le Net, « Libération » y va de ses sarcasmes, titre à l’appui : « Lescure et Frémaux se font des films. »

LUNDI 8JUIN

Ken Loach : « Cher Thierry [en français], j’espère que tu vas bien et que tu te reposes. Je voulais te dire combien j’étais d’accord avec toi sur certains tweets, qui relèvent d’une activité parfaiteme­nt infantile. On veut faire de nous des gens de plus en plus immatures. Prendre le temps de penser, réfléchir avant de formuler son jugement, c’est ce que les critiques avaient l’habitude de faire. Pas de tweeter. Aussi, bien joué d’avoir demandé aux gens d’arrêter de faire des selfies de façon imbécile. Ou c’est que je me fais vieux ? D’accord, je suis vieux. Il nous reste le foot. On est en train de transforme­r notre petit club [il s’agit de Bath] en un bien collectif, une sorte de coopérativ­e. La révolution commencera sur un terrain de foot ! Bien à toi, Thierry, j’espère que tout va bien à Lyon. A bientôt. »

DIMANCHE 22 NOVEMBRE

Chaque année, depuis toujours, un nom s’impose pour la présidence du jury : Godard. Il revient pour Cannes, et pour tant d’autres choses, tant l’ombre portée de Jean-Luc est prégnante. Rivette gravement malade, il devient le seul cinéaste actif des cinq mousquetai­res ex-jeunes-turcs devenus Nouvelle Vague. Je ne vais pas faire dans la métaphysiq­ue nécrologiq­ue mais il est touchant d’observer comment les deux figures majeures du groupe, frères amis ennemis, Truffaut et Godard, l’auront aussi encadré dans le cycle de la vie : Truffaut est mort le premier en 1984 (il semblait alors âgé au jeune homme que j’étais, âgé d’un âge que je viens de dépasser), Godard est encore là.

[…] Je n’ai jamais demandé à Gilles Jacob si, dans les années 1980 ou 1990, la propositio­n lui fut faite ou non, et le cas échéant s’il l’avait déclinée. Godard n’est pas le seul grand cinéaste qui n’aura jamais été président de jury. Bergman, Tarkovski, Fellini et tant d’autres. Comme dit Tarantino : « La liste est belle de ceux qui ont remporté la palme d’or mais il en est une plus belle encore : celle de ceux qui ne l’ont pas obtenue ! » Pareil pour les présidents de jury. Rater les grands artistes de l’époque est une hantise que j’éprouve à mon tour. Toscan m’a dit que Maurice Pialat en rêvait, et Sylvie me l’a confirmé. Le Festival aurait eu peur de gérer un tel personnage. « Je me mets à la place de Gilles, m’avait dit Toscan. Maurice pouvait mettre le feu à tout, à tout le monde, et à tout instant. Tout aurait pu arriver, le pire et le meilleur. » Sylvie dit que Maurice se serait comporté comme un ange et qu’il fut affecté qu’on pense le contraire.

Il y a quelques années, dans son bureau parisien de l’avenue Pierre-Ier-de-Serbie, j’en avais parlé à Jean-Luc. « Un jour, ça serait bien que vous acceptiez la présidence du jury. » Il m’avait dit : « Oui, j’aimerais beaucoup. Dans les jurys, il y a toujours des gens venus d’ailleurs qu’on n’aurait, sinon, aucune opportunit­é de rencontrer, genre un chef opérateur bulgare. » Un chef opérateur bulgare, ça m’avait marqué. Je m’étais dit : on devrait prendre plus souvent les chefs opérateurs bulgares au jury ! Il y a deux ans, je lui avais également proposé la présidence du jury d’Un certain regard, car il aime beaucoup la salle Debussy dans laquelle les films sont projetés – et c’est là qu’on montre le

plus de ces films dont nous imaginions qu’il les verrait avec appétit. Il avait décliné. Avec Pierre (Lescure), nous convenons tout de même de le solliciter à nouveau.

LUNDI 7 DÉCEMBRE

A midi, rendez-vous avec Jérôme Seydoux […]. Il m’accueille très affectueus­ement et, après quelques rapides impression­s échangées sur l’OL, va droit au but : « Resterez-vous au Festival de Cannes toute votre vie ? » Je comprends tout de suite. « Il s’agit de Pathé à l’avenir duquel je réfléchis, poursuit-il. C’est à vous que j’ai pensé. Je vous propose de me succéder et de devenir président de la société. »

MARDI 8 DÉCEMBRE

Je suis excité et inquiet. Si j’accepte [la propositio­n de Jérôme Seydoux, NDLR], cela signifie changer de métier et de vie, quitter le Festival de Cannes, quitter l’Institut Lumière, quitter Lyon peut-être et même en restant dans le cinéma, changer d’univers. J’abandonner­ai le symbolique pour l’économique, le lyrique pour le réel, la culture pour l’industrie, et le tapis rouge pour les rapports financiers. Et tout ça pour la bonne cause : le cinéma. Je ne ferai pas l’économie d’une réflexion profonde. Et depuis hier, cette propositio­n explosive occupe l’essentiel de mes pensées, pour dire le moins. Je dois prendre mon temps mais ne pas me mettre la tête à l’envers. Cannes 2016 approche.

MERCREDI 16DÉCEMBRE

Le choix du président devient plus ardu avec le temps, et il suffit de consulter la liste étincelant­e de ceux qui ont accepté la charge ces dernières années pour comprendre la difficulté de la tâche : Quentin Tarantino (2004), Emir Kusturica (2005), Wong Karwai (2006), Stephen Frears (2007), Sean Penn (2008), Isabelle Huppert (2009), Tim Burton (2010), Robert De Niro (2011), Nanni Moretti (2012), Steven Spielberg (2013), Jane Campion (2014) et les Coen l’année dernière. […] Nous faudra-t-il réfléchir à quelqu’un qui n’est pas du cinéma, un écrivain, un photograph­e, un chanteur. Mick Jagger ? C’est un familier du Festival, il vient souvent et se glisse discrèteme­nt dans la salle pour voir des films (Ringo Starr aussi, pour tout dire, et David Bowie avait émis le désir d’être dans le jury). Avec Pierre, on trouve que tout cela serait parfait mais on se dit que notre amour pour le rock nous égare, que non, ça n’irait pas, Mick Jagger, sauf en rêve.

A la fin du dîner, alors que nous évoquons quelques noms supplément­aires et que nous essayons de résister au limoncello de Tonino, nous parlons de George Miller et de l’extraordin­aire destin de « Mad Max : Fury Road » qui aura eu tous les honneurs, ceux de la critique comme du grand public. Soudaineme­nt l’évidence surgit : George Miller, président du jury, ça aurait aussi beaucoup d’allure.

DIMANCHE 31 JANVIER 2016

J’appelle Jérôme Seydoux, qui ne répond pas, puis qui me rappelle. Je lui dis que je ne peux accepter sa propositio­n. Il me confie sans détour sa déception mais a une réaction magnifique en me parlant de mon propre avenir. Puis il me dit quelque chose de très gentil, qui renforce mon sentiment de culpabilit­é à son égard. Et nous parlons de l’OL, d’Almodóvar, de Chamonix et de la neige qui tombe enfin là-bas, sur les Grands-Montets où il m’invite à le rejoindre fin mars.

LUNDI 14MARS

Désormais, les projection­s rythment nos existences. Tous les jours, je vois un premier film à la maison, pendant le petit déjeuner. Arrivé au bureau, le matin est consacré à la discussion de ceux de la veille et aux négociatio­ns : distribute­urs, producteur­s, vendeurs et parfois cinéastes. Les Asiatiques avant midi, les Européens en journée, les Américains le soir – et les Australien­s, je ne me souviens jamais quelle est la meilleure heure. « Tout va bien ? » m’a récemment demandé George Miller, sans insister. Il sait que le jury se constitue sans lui et en a accepté le principe.

Les après-midi sont partagés en deux, les films étrangers à 13 heures et les français à partir de 18 heures. Au sous-sol de la rue Amélie, dans une grande cave parfaiteme­nt aménagée, nous avons notre salle de projection, murs de velours rouge, bel écran de 5 mètres de base et deux rangées de six fauteuils bleus. En cabine, le meilleur matériel, image et son, numérique et argentique. Là règne Patrick Lami, le projection­niste, un homme qu’aucun problème ou panne ne vient perturber. Un savant langage des signes élaboré avec les années nous permet de nous parler à travers la vitre insonorisé­e. Parfois, Patrick est plus attentif que de coutume, il s’installe sur un haut tabouret, monte le son et regarde le film. Son avis ne m’est jamais indifféren­t.

JEUDI 17MARS

Le Bruno Dumont est très réussi, très beau, très unique et bien plus que l’équivalent cinéma du « P’tit Quinquin ». Il s’appelle « Ma Loute », du nom d’un adolescent du Nord s’attachant à un être énigmatiqu­e, un « garçon-fille » issu(e) du sang bourgeois d’une grande famille en villégiatu­re. On y trouve une émotion inhabituel­le chez Dumont et des rôles très casse-gueule attribués à des comédiens connus (Luchini, Binoche, Bruni Tedes-

chi), quand les autres acteurs sont impression­nants de vérité, même le cocasse commissair­e de police obèse qui s’envole dans les airs, comme la réplique d’un protagonis­te excentriqu­e du cinéma français des années 1930. Vastes paysages du Nord (Boulogne ? Calais ?) filmés somptueuse­ment dans l’évidence de leur clarté, comme des autochrome­s Lumière animés dont le grain, parfaiteme­nt reproduit, enrichit une photo laissant apparaître dans le ciel des nuances insoupçonn­ables. Le film me fait penser à ce que Raymond Bellour avait écrit : « Le cinéma a eu parmi bien des fonctions celle de rapporter les corps à la masse physique et sociale dont chacun est issu. » Il le disait de la « magie Lumière, magie Griffith », cela s’applique à « Ma Loute ». Pour le reste, le vent, la terre, la mer et les visages, Dumont est à son meilleur et à sa place : un grand metteur en scène.

Depuis une dispute trop médiatisée entre lui et moi, un soir de dîner officiel au Carlton, la nervosité règne. Mais il y a des choses plus graves dans la vie et je sais Bruno en attente de ma réaction : je ne veux pas le froisser et laisser le silence nous dominer. Je lui envoie un petit mot, il me répond. J’en suis heureux. On en reste là pour l’instant […]. Ce que je dis de mon affection pour le Dumont peut laisser croire que je le mets déjà en compétitio­n. Il n’en est rien. La décision finale sur la sélection française ne se prend qu’après visionneme­nt de tous les films, histoire de les placer à égalité, règle qui permet à ceux qui sont encore en montage de travailler sereinemen­t sans penser que les films déjà prêts occupent les meilleures positions. Donc : les premiers arrivés ne sont pas les premiers servis.

MERCREDI 13 AVRIL

On me demande souvent comment nos choix s’opèrent. Eh bien, comme le ferait n’importe quel amateur : in fine, c’est au sentiment, à l’intuition, à la passion, à quelques instrument­s de mesure de l’opinion, si tant est qu’on puisse en prévoir l’humeur. On nous prête mille turpitudes, des amitiés non avouées et des pactes secrets. Or nous n’avons qu’un seul objectif : faire la meilleure sélection possible.

MERCREDI 11 MAI

19h15. Le tapis rouge redevient le centre de l’univers. La Croisette est noire de monde. Woody et ses acteurs y arrivent sous de belles acclamatio­ns. La grande salle s’éteint. A Laurent Lafitte de jouer. Et… il joue mal. Non, je suis injuste, il fait un beau numéro de music-hall, il est élégant, le décor est superbe, il est bien filmé. Mais une plaisanter­ie ruine le reste du show : « Ces dernières années, dit-il en regardant Woody Allen, vous avez beaucoup tourné en Europe alors que vous n’êtes même pas condamné pour viol aux Etats-Unis. » La salle, composée le soir de l’ouverture d’un public officiel, moyennemen­t habitué à se taper sur les cuisses de rire, se glace. […]

Alors que la séance a repris après l’entracte, et après être passé à la Welcome Party dont la belle réussite m’indiffère tant je suis préoccupé, je rejoins Woody Allen. Il était prévu qu’il n’assiste pas à la projection et revienne seulement au générique de fin – son siège vide a tout de même fait jaser. Woody discute tranquille­ment au bar du sixième étage avec son épouse, Soon-Yi. « Woody, je suis désolé si vous vous êtes senti attaqué. – Ne t’en fais pas, je sais bien que ça n’était pas malintenti­onné. Je connais le métier. – Il n’empêche… – Non, vraiment, tout va bien. Tu sais, moi aussi j’aurais tout osé pour un bon mot. » Et il ajoute : « J’ai été plus embarrassé quand, à la télévision, tu m’as comparé à Molière ! »

VENDREDI 20 MAI

« Tough morning », me dit Sean en arrivant au photocall. Jean-Pierre Vincent et Stéphane Célérier ont leur tête des mauvais jours, Mara Buxbaum, [l’agent] de Sean, a les larmes aux yeux. La catastroph­e s’est produite. La presse déteste « The Last Face ». Depuis ce matin, des textos me parviennen­t par dizaines. « Les journalist­es voulaient se payer un film depuis trois jours, dit quelqu’un. Ils se sont jetés sur celui-là. » Non. On peut toujours chercher une explicatio­n mais il n’y en a qu’une : le film ne plaît pas. La foudre va lui tomber dessus. Et je connais les lois cannoises : Sean sera traité comme un moins que rien. Je m’en sens coupable, parce que c’est un ami, parce que je l’ai emmené là. Il va juste falloir vivre avec ça.

DIMANCHE 22 MAI

16 heures. Au téléphone, je termine le tour des équipes auxquelles, pendant les délibérati­ons, j’ai transmis par textos les décisions du jury. Une par une et chacune imperméabl­e à l’autre. Mes messages ne peuvent pas être plus laconiques : « Le film n’a rien, hélas », « Le film a quelque chose, l’équipe doit revenir. » En général, on me répond : « Mais encore ? » Je ne peux rien expliquer aux perdants, juste leur dire leur infortune. Là encore, il n’y a pas de bonnes manières d’annoncer une mauvaise nouvelle. Aux lauréats, je suis tenu de cacher volontaire­ment la nature exacte de leur prix. J’ai pris un air distrait pour dire à Rebecca O’Brien, la productric­e de Ken Loach : « Ça serait bien que Paul Laverty et toi reveniez aussi, ça ferait plaisir à Ken. » Impossible qu’elle devine. Une année où j’avais annoncé à Michel SaintJean, leur distribute­ur, que les Dardenne étaient au palmarès, il m’avait tellement cassé les pieds que je lui avais balancé un cruel : « Je ne veux rien te dire, tu pourrais être déçu. » Ça l’avait calmé. Or c’était la palme d’or. Il ne m’en a pas voulu.

 ??  ?? L’Iranien Asghar Farhadi est accueilli par Thierry Frémaux.
L’Iranien Asghar Farhadi est accueilli par Thierry Frémaux.
 ??  ?? A Cannes, en 2016, Ken Loach reçoit la palme d’or pour « Moi, Daniel Blake », Sean Penn présente « The Last Face » et Woody Allen ouvre la 69e édition du Festival avec « Cafe Society ».
A Cannes, en 2016, Ken Loach reçoit la palme d’or pour « Moi, Daniel Blake », Sean Penn présente « The Last Face » et Woody Allen ouvre la 69e édition du Festival avec « Cafe Society ».
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 ??  ?? SÉLECTION OFFICIELLE, par Thierry Frémaux, Grasset, 544 p., 22 euros (en librairies le 11 janvier).
SÉLECTION OFFICIELLE, par Thierry Frémaux, Grasset, 544 p., 22 euros (en librairies le 11 janvier).
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 ??  ?? Valeria Bruni Tedeschi, Juliette Binoche et le réalisateu­r Bruno Dumont à Cannes en 2016.
Valeria Bruni Tedeschi, Juliette Binoche et le réalisateu­r Bruno Dumont à Cannes en 2016.

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