L'Obs

1917 EN HUIT OEUVRES CLÉS

A New York, Duchamp montre son urinoir ; à Petrograd, la révolution stimule l’avant-garde ; à Paris, Picasso fait un rideau de scène, et dans les tranchées Otto Dix dessine. Rétrospect­ive d’une année essentiell­e de l’histoire de l’art

- Par BERNARD GÉNIÈS

Tous au front! Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, les artistes répondent présent à la mobilisati­on générale. Bien peu cependant combattron­t durant la totalité du conflit. Georges Braque, Apollinair­e (l’ami de Picasso), Blaise Cendrars (ami de Robert et Sonia Delaunay), Fernand Léger, André Derain quitteront les champs de bataille avant l’armistice, victimes de blessures. Dans les rangs allemands, Otto Dix sera lui aussi blessé tandis que Franz Marc, le lumineux peintre du groupe d’artistes le Cavalier bleu, est tué près de Verdun. Les bataillons de l’art sont éclaircis mais ils ne sont pas décimés. L’entrée en guerre des Etats-Unis en avril 1917 va mobiliser outre-Atlantique des escouades de peintres et d’illustrate­urs qui vont alimenter la grande machine de la propagande, invitant les citoyens du pays à souscrire à l’effort de guerre ou à rejoindre les rangs de l’armée. C’est l’année où James Montgomery Flagg signe sa célèbre affiche (« I want you for U.S. Army »). L’année encore où Marcel Duchamp crée le scandale à New York avec sa « Fontaine », tandis qu’à Zurich la première galerie Dada ouvre ses portes. En France, plusieurs artistes (Jean-Louis Forain, André Dunoyer de Segonzac) mettent leur talent au service de la section de camouflage des armées. Mais la véritable avant-garde se trouve en Russie. Là-bas, les artistes n’ont pas attendu la révolution d’Octobre pour hisser le drapeau d’un art nouveau. Nourris des courants artistique­s nés à Paris ou à Berlin, ils vont jeter les bases d’un art dont l’un des fers de lance sera le suprématis­me. De retour dans son pays natal (après un exil qui l’a conduit en France et en Allemagne), Vassily Kandinsky, aux côtés de Malevitch, Tatline, El Lissitzky et bien d’autres, va se joindre à la bataille. Il abandonne alors la peinture durant deux années (ci-contre, son « Ovale gris », l’un de ses derniers tableaux de 1917). Nommé dans plusieurs instances artistique­s, il promeut la création d’une vingtaine de musées. Quatre ans plus tard, il quitte son pays natal : à peine née, la révolution d’Octobre venait de commencer à broyer ses enfants.

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