On en parle Nuit, la grande alternative
Nouveaux venus, lieux polymorphes, beats de techno, afters, esprits free et sortie de périph : voici les maîtres mots de la nuit parisienne 2017
Alors que tout le monde s’était résolu à somnoler au pied de la cheminée, la nuit redonne un coup de griffe à 2017 grâce à une diversité d’offres inédites. Dans le renouveau des boîtes parisiennes, on remarque le Carrousel, cabaret mythique qui accueille désormais clubbing et one-man-show présentés par le Monsieur Loyal et homme de télé Mathieu Ducrez. Autre antre festif : le club cryptokitsch Macumba. Cette boîte, antichambre gravée de hiéroglyphes façon « Egypte ancienne meets les rois de la pop », est ouverte par le groupe déjà à l’origine du Comptoir général et du Marché noir. On y sort du carcan électro : « On a voulu imposer un son groove, avec des racines africaines, et du disco, explique la directrice artistique Rosane Mazzer. J’ai découvert plein de nouveaux collectifs, comme Disco Matin, et nous travaillons avec Cracki Records, la Mamie’s ou le percussionniste du duo Acid Arab. » Une ambiance qui réjouit les jeunes clubbers bon enfant entre 25 et 30 ans. La Maison Sage, quant à elle, incarne la tendance des lieux mixtes. Dans ce resto/club/expo en forme d’appartement de 300 mètres carrés, on trouve les activités fétiches de la génération Y : free market, expos, gavage aux burgers, dégustation de cocktails, tatouages, concerts…
La sensation du moment reste le Salò, géré par un autre collectif, Manifesto (Silencio, Wanderlust, Nuit fauves). Il est né en novembre entre les murs de l’ex-Social Club, décrié pour son patronyme repris du film de Pasolini et qui fait écho à la capitale fasciste dirigée par Mussolini entre 1943 et 1945. Le Salò convoque « les figures de la culture indépendante en France et à l’international en essayant de garder un maximum de liberté d’expression dans un contexte de plus en plus difficile lors d’une résidence de 3 jours », explique Coralie Gauthier, une des deux directrices artistiques. Comme Abel Ferrara, Arielle Dombasle et Nicolas Ker, Jeanne Added, Christophe Honoré ou Larry Clark. Les créatures les plus fantasques enchaînent performances plus ou moins contrôlées, à quatre pattes, en laisse… Transgenres, artistes SM, mondains décadents : on n’avait pas eu un tel choc des photos depuis bien longtemps.
Mais le vrai phénomène nous vient de l’underground, inspiré par Berlin ou le Brooklyn des nineties. Rendez-vous sous la petite ceinture, en périphérie de Paris, où des lieux confidentiels sont sporadiquement investis par des collectifs associatifs, parfois plus ou moins illégalement. Une liberté et un esprit dingo totalement perdus dans la capitale, rentabilité oblige, au risque de faire grincer des dents les ténors du clubbing parisien. Dans les paysages mornes des zones industrielles, une faune festive, gay friendly, s’épanouit à l’abri des regards. Dernière sensation : les sous-sols d’un bâtiment lambda à Pantin, qu’on ne nommera pas au risque de provoquer sa fermeture. Cet espace de liberté est devenu culte chez les clubbers qui s’y retrouvent en toute discrétion le week-end, uniquement sur liste, jusqu’à midi. Une piste techno, un bar sans alcool fort, une chambre où l’on peut s’étreindre si affinités… « On croise beaucoup de créateurs de mode du moment, le public est très pointu et respectueux des lieux et du voisinage pour ne pas attirer l’attention », explique Pierre, qui fréquente ces soirées alternatives.
Il y eut des prédécesseurs. Comme le fameux restaurant Freegan Pony, un monumental bâtiment de briques et de béton sous le périph, appartenant à la ville de Paris. D’autres collectifs associatifs se sont intéressés au lieu et l’ont parfois investi discrètement sous le nom de Péripate, avant que n’y démarrent les travaux de réfection actuels. Dans les espaces quasi obscurs se croisaient des hétéros, des gays, des belles jeunes filles, des torses nus : la mixité sociale par excellence, liée par l’amour de la fête. Un des organisateurs, Donald, explique: « Les Parisiens veulent une fête différente. Quand j’ai commencé à organiser des événements sans prétention dans des squats, les retours étaient dithyrambiques. Ils voulaient la fin de l’entre-soi, de vrais mélanges au lieu des sélections à l’entrée. » Ses aficionados apprécient le civisme de ces événements : « La différence réside aussi dans la manière dont on accueille les gens : ce ne sont pas des clients mais du public. On le fait par plaisir, pas pour l’argent. » Avec des menaces constantes de fermeture… La nouvelle donne évoque clairement un schisme : public policé dans la capitale, fêtards technophiles et forcenés au-delà du périphérique. La face B du Grand Paris. Carrousel de Paris, 40, rue Pierre-Fontaine, Paris-9e Macumba, 130, rue de Rivoli, Paris-1er Maison Sage, 15, boulevard Saint-Martin, Paris-3e Salò, 142, rue Montmartre, Paris-2e