Prostitution A la chasse aux clients sur la D609
Depuis la loi d’avril 2016, ce sont les “acheteurs de sexe tarifé” qui sont dorénavant pénalisés. Comment les gendarmes les traquent-ils ? Pour quel effet réel ? Reportage sur une départementale entre Béziers et Narbonne
C’est une départementale qui relie Béziers à Narbonne, une route de campagne en amont de l’autoroute A9 qui file vers Montpellier et la frontière espagnole. De part et d’autre de ce tronçon de 28 kilomètres, les champs de vigne s’étalent à perte de vue. Tous les jours, des deux côtés de la route, de jeunes Roms, Bulgares ou Nigérianes installées sur de vieilles chaises en plastique ou assises sur un talus de terre guettent les voitures qui s’arrêtent. Ces prostituées en exposition font la réputation de la D609, le spot de sexe tarifé le plus fréquenté de la région. Ici, toujours le même rituel : les clients baissent leur vitre, demandent le prix et embarquent une fille quelques mètres plus loin pour une fellation ou plus… Les vignerons qui s’affairent à proximité sur leurs pieds de vigne font comme si de rien n’était.
Mais depuis le printemps dernier, le petit manège sexuel de la D609 s’est transformé en western rural sous les yeux ahuris des locaux : « Maintenant, on voit les gendarmes prendre en chasse les clients en voiture, ce sont les nouvelles cibles des flics », dit Laurent B., viticulteur de Nissanlez-Ensérune. De fait, la loi d’avril 2016 pénalise désormais « les acheteurs d’actes sexuels » et la verbalisation de ces nouveaux délinquants du sexe fait partie des missions des forces de l’ordre.
Ce lundi de décembre, les gendarmes de la brigade de Capestang en patrouille sur la départementale repèrent une Peugeot blanche qui ralentit et se rapproche d’une voiture grise à l’arrêt sur le bas-côté. « Dans le véhicule immobilisé, c’est une prostituée, dit l’adjudant-chef Jalabert, et dans la blanche, c’est un client qui se renseigne sur les prix. On se tient à distance pour voir s’ils font affaire et on intervient ». De fait, la Peugeot suit le véhicule métallisé avant de s’arrêter quelques dizaines de mètres plus loin. Les gendarmes en embuscade démarrent et foncent en
contrebas de la route. Les deux voitures sont côte à côte, et le conducteur dans le véhicule de la dame. « Vous savez que ce que vous faites est interdit par la loi », dit Jalabert en ouvrant la porte avant de la voiture. Le client, pris en flagrant délit de relation sexuelle tarifée, sort tout ébouriffé du véhicule, remonte son pantalon, hagard, perd sa ceinture. « Rhabillez-vous, vous allez nous suivre à la gendarmerie pour être verbalisé. » L’homme, un quinquagénaire costaud, est abasourdi, humilié : « C’est fou ça, on peut plus baiser tranquille, proteste-t-il, j’en ai entendu parler de cette loi, mais tout de même. » L’artisan en menuiserie qui revient d’une visite de chantier à Narbonne voulait « juste une fellation avant de rentrer à la maison ». Il s’énerve : « J’ai une compagne et des enfants, je ne veux pas qu’ils sachent. » On le calme, on lui explique que s’il vient à la gendarmerie, « tout se passera discrètement ». Il se renseigne aussi sur le montant de l’amende, et tente : « Allez, laissez-moi partir, je vais quand même pas payer 150 euros pour une