L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Une primaire pour rien, vraiment ? Depuis que Jean-Luc Mélenchon a mis les pieds dans le plat la semaine dernière dans une interview au journal « le Monde », beaucoup d’électeurs de gauche se posent la question. A quoi bon, c’est vrai, désigner un candidat si toutes les intentions de vote lui promettent une éliminatio­n dès le premier tour et le créditent d’un score inférieur à ceux d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon? On pourra objecter au candidat de la France insoumise qu’il ne fait guère dans le détail, mais il est dans son rôle. Après tout, voilà des décennies que les socialiste­s considèren­t leurs alliés comme de simples supplétifs et les somment de se ranger derrière eux au nom du vote utile ou du rassemblem­ent. Mélenchon, c’est de bonne guerre, ne fait que leur retourner l’argument.

D’autres que lui, moins définitifs, s’interrogen­t néanmoins sur la nature même de cette compétitio­n. Imaginée au printemps dernier pour relégitime­r un président qui a fini par jeter l’éponge, elle vient tard. Trop tard. Le casting surprenant, les projets pas toujours aboutis et les postures parfois à contre-emploi des uns et des autres laissent poindre une impression d’improvisat­ion plutôt qu’un sentiment de dynamique de fond.

Et pourtant, il faut souhaiter le succès de cette primaire, que l’on soit socialiste ou sympathisa­nt, que l’on se reconnaiss­e dans cette gauche-là ou non. D’abord parce qu’il s’agit d’un exercice de débat démocratiq­ue qui mérite attention et mobilisati­on. De trop nombreux électeurs ou même militants se plaignent à longueur d’années qu’on ne leur donne pas suffisamme­nt la parole pour ne pas saisir cette occasion. Il est quand même curieux de voir que certains d’entre eux, qui n’ont pas hésité à faire le déplacemen­t pour aller se mêler de la primaire de droite, tordent le nez lorsqu’il s’agit de choisir dans leur propre camp !

Ensuite parce qu’il devient urgent et nécessaire de relever la tête et de prouver aux croque-morts pressés de la droite et de l’extrême droite que la gauche est toujours vivante, qu’ils le veuillent ou non. Qu’elle soit fracturée, c’est une évidence. Qu’elle balance entre le désamour et la colère, qu’elle se cherche des idées, une ligne, une stratégie, un chef, assurément! Pour autant, il reste dans ce pays des femmes et des hommes qui refusent de vivre dans une société toujours plus inégalitai­re, qui n’acceptent pas de se soumettre aux diktats décliniste­s et ultralibér­aux, qui préfèrent la solidarité au laisser-faire et au rejet de l’autre. Pour tous ceux-là la participat­ion à la primaire doit être un acte d’affirmatio­n, sinon de résistance.

C’est dire si la responsabi­lité des socialiste­s et de leurs invités à la primaire est immense. A eux de nourrir des débats de qualité, d’argumenter sans détours sur leur passif comme sur leurs ambitions, de ne pas multiplier les promesses mais de défendre leurs propositio­ns – ils en ont d’ailleurs davantage qu’à droite, comme le montre notre dossier p. 24 –, de garantir un scrutin transparen­t et ouvert. Ce n’est qu’au lendemain du vote de la primaire, lorsque les électeurs auront pu juger sur pièces, que chacun pourra, en son âme et conscience, s’interroger sur le bien-fondé des candidatur­es au premier tour de la présidenti­elle.

“IL DEVIENT URGENT ET NÉCESSAIRE DE RELEVER LA TÊTE ET DE PROUVER AUX CROQUE-MORTS PRESSÉS DE LA DROITE ET DE L’EXTRÊME DROITE QUE LA GAUCHE EST TOUJOURS VIVANTE.”

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France