Les lundis de Delfeil de Ton
Où l’on voit qu’un mur ne fait pas forcément le printemps
Les barbelés au-dessus, les barbelés devant, les barbelés derrière.
T rump n’est pas encore le président qu’il se présente déjà en sauveur des travailleurs de l’industrie automobile de son pays. Ford, qui entreprenait de construire une usine au Mexique, renonce à son projet devant la menace de taxes pharamineuses s’il cherche à faire rentrer aux Etats-Unis des voitures construites par des ouvriers mexicains. Et que Toyota et les autres se le tiennent pour dit. Ah mais !
C’est ce qu’on appelle protectionnisme. Les traités de libre-échange, Trump promet de réviser tout ça, le risque étant, évidemment, que les autres pays réviseront aussi et que les exportations américaines, donc le travailleur américain, pourraient en sou rir (pour le capitaliste, on ne s’inquiète pas). C’est une politique. Dans quatre ans, lorsqu’il s’agira pour Trump d’être réélu ou de faire ses valises, l’électeur fera les comptes. Pour l’heure, Trump règle les siens avec ses plus proches voisins et il se trouve que ce sont les Mexicains. Chaque étranger en son temps.
Le Mexicain, voilà l’ennemi. Trump fait une fixation sur le Mexicain. Il s’est fait élire en promettant d’expulser les Mexicains qui encombrent ses EtatsUnis d’Amérique, promettant aussi d’empêcher ceux qui voudraient les remplacer de franchir la frontière des deux pays, idem pour les expulsés s’ils s’avisaient de vouloir revenir. A cette fin, il a promis de construire un mur. Un haut mur. Un long mur. Un mur solide. Dans ses meetings électoraux, il faisait un malheur à chaque fois qu’il le décrivait. Quand il annonçait qu’il s’étendrait sur 3000 kilomètres, c’était du délire. C’est sur ce mur qu’il a bâti son triomphe électoral.
Ce mur et les idées qui vont avec. Bon. D’abord le mur. Au pied du mur, on verra la nouvelle présidence. Si un génie apparaissait à Trump dans une lampe façon Aladin, Trump demanderait qu’il le lui construise. Le génie n’apparaîtra pas, il faudra donc le construire parpaing après parpaing. Ça coûte pas cher, un parpaing. Quand il en faut sur des milliers de kilomètres et avec une bonne hauteur, une bonne épaisseur, plus les barbelés au-dessus, les barbelés devant, les barbelés derrière, les fossés, les projecteurs pour repérer les intrus la nuit, la route pour faire circuler les patrouilles de surveillance, les postes de garde, les mines à poser, peut-être (avec un Trump, s’attendre à tout), la somme à dépenser devient astronomique.
Elle s’élèverait à plusieurs milliards de dollars. Trump les a mais il lui est sûrement interdit de dépenser sa fortune en l’a ectant à des dépenses fédérales. C’était d’ailleurs à supposer que l’intention l’en ait e euré. Il va falloir trouver de l’argent public. Du coup, on quitte l’humanitaire pour le politique. Le contribuable devra mettre la main à la poche, le Congrès devra l’approuver. Le Congrès n’y manquera pas. Les républicains tiennent tous les pouvoirs parce qu’ils ont été élus dans la foulée de l’élection de Trump, les scrupules qu’ils auraient à gâcher de beaux paysages et ternir la réputation de l’hospitalité américaine seront vite oubliés. Puis Trump a promis que le Mexique rembourserait les frais du mur. A chaque meeting, il s’écriait : « Et qui paiera le mur? » Son public répondait : « Le Mexique ! »
Logique, n’est-ce pas ? Le Mexique débiteur. Ses citoyens le fuient par égoïsme, avec l’envie vulgaire de se nourrir mieux. Ils font honte à leur patrie. Grâce à Trump, le mur va les retenir. S’il n’y su t pas, du moins ralentira-t-il leur départ. Bien sûr, on se dit que si on était les Mexicains, le raisonnement nous paraîtrait vicieux et on refuserait de payer mais Trump se dit certain qu’il y aura des moyens de pression, des façons détournées de ponctionner. Nous, les Français, on se rappelle que nos ancêtres disaient : « L’Allemagne paiera. » Après quoi, ce sont nos ancêtres qui ont payé. Il est vrai que c’était avant la post-histoire.