L'Obs

9 POUR QUE LES OBJETS DURENT, DURENT, DURENT !

Une garantie de dix ans pour les équipement­s ménagers : une solution économique et utile pour la planète

- Par CORINNE BOUCHOUCHI et ARNAUD GONZAGUE (1) Avec Laetitia Vasseur et Samuel Sauvage, éd. Alternativ­es. En librairies le 26 janvier.

U n ordinateur qui fonctionne parfaiteme­nt, mais qu’il faut changer parce qu’il n’accepte pas la dernière version d’un logiciel. Un téléviseur pour lequel les pièces détachées «n’existent plus» ou alors sont hors de prix. Un radio-réveil qui ne peut pas être réparé car il faut casser sa coque en plastique pour accéder à ses entrailles… On a tous connu ces cas d’« obsolescen­ce programmée », ces produits qui semblent avoir été conçus pour nous obliger à les racheter neufs plutôt que les réparer. Une cata pour les porte-monnaie, mais aussi pour notre planète, déjà envahie de déchets. Pour éviter le trop vite jetable, la loi française, alignée sur une directive européenne de 1999, oblige tous les fabricants à garantir leurs produits au moins deux ans. « Depuis 2016, elle leur impose en outre la présomptio­n du défaut de conformité. En clair, si le produit est en panne dans les deux ans, ils ne peuvent pas vous dire : “Vous l’avez mal utilisé” », explique Emile Meunier, responsabl­e juridique de l’associatio­n Halte à l’Obsolescen­ce programmée (HOP). Le consommate­ur n’a pas à apporter la preuve de la panne, on la suppose d’origine. »

C’est une bonne chose. Mais on pourrait faire largement mieux. D’abord, allonger encore la durée de garantie légale pour mettre de facto les fabricants dans l’obligation de construire plus solide. Six pays européens (Grande-Bretagne, Pays-Bas et pays scandinave­s) ont déjà dépassé les deux ans réglementa­ires. L’associatio­n HOP aimerait qu’elle atteigne dix ans. « Mais les fabricants disent que cela augmentera les prix, prévient Benjamin Douriez, rédacteur en chef adjoint de “60 Millions de consommate­urs”. La vraie question est : faut-il allonger la garantie de tous les produits? Entre un écran plat à 1000 euros et un fer à repasser bon marché, la di érence est importante. » Par ailleurs, allonger la durée de garantie ne signifie pas toujours limiter les déchets, « car les industriel­s peuvent être tentés de remplacer les produits défectueux plutôt que de les réparer, signale Camille Lecomte, de l’ONG Les Amis de la Terre. Plusieurs études ont montré pourtant qu’il est moins coûteux pour eux de réparer que de remplacer, mais les mauvaises habitudes perdurent ». Il est donc essentiel d’encourager ce qu’on appelle la « réparabili­té ». Comment? Par exemple en imitant la Suède, qui est en train d’imposer une TVA réduite sur tous les travaux de réparation. « Cela la rend financière­ment avantageus­e pour les constructe­urs et crée des emplois qui ne seront pas délocalisé­s, puisqu’on répare sur place», vante Anne-Sophie Novel, coauteur du manifeste « Du jetable au durable » (1). Mais le levier « TVA » n’est pas su samment écolo pour Camille Lecomte: « Il faut contraindr­e les fabricants à proposer des pièces détachées d’occasion avant d’en fournir des neuves, comme c’est déjà le cas pour le secteur automobile depuis le 1er janvier 2017. Il faut étendre cet e ort à tous les produits. » Elle reconnaît tout de même que les stocks de pièces détachées dans l’électromén­ager et l’électroniq­ue restent à constituer. Mais pourquoi ne pas obliger, à l’avenir, les marques à mettre en ligne les plans des pièces détachées de tous leurs produits? « Un réparateur n’aurait qu’à imprimer ces pièces avec une imprimante 3D et tout serait potentiell­ement réparable », prédit Anne-Sophie Novel.

En parallèle, il faudrait aussi que les consommate­urs soient informés avant d’effectuer leurs achats. «En imposant par exemple un étiquetage qui donne la durée de vie du produit: deux ans, de trois à cinq ans, de cinq à dix ans…», avance Anne-Sophie Novel. Ces a rmations seraient vérifiées par une instance indépendan­te qui doterait chaque produit d’une couleur (vert pour les plus robustes, orange et rouge pour les autres), comme c’est déjà le cas avec les ampoules. Chacun serait ainsi conscient d’acheter un peu plus cher… mais pour plus longtemps.

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