L'Obs

ENTRE TOLÉRANCE ET RÉPRESSION

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La loi sur la pénalisati­on des clients des personnes prostituée­s votée en avril 2016 constitue un changement de cap dans l’évolution de la législatio­n sur « le plus vieux métier du monde ». Retour sur un siècle d’encadremen­t, entre tolérance et répression. Le premier mouvement pour l’abolition de la prostituti­on apparaît en France au tout début du xxe siècle, porté par Marcelle Legrand-Falco à travers l’Union contre le Trafic des Etres humains. Mais c’est après la Seconde Guerre mondiale – alors que Paris a pris parfois des allures de bordel géant pour les soldats allemands d’abord, pour les libérateur­s américains, ensuite – que les autorités décident de réprimer la prostituti­on. En avril 1946, la loi Marthe Richard ferme les maisons closes et poursuit le proxénétis­me. Non interdite, la prostituti­on est tolérée. Libérés de la tutelle policière, les prostitués se multiplien­t en France dans les années 1950 (leur estimation est de 40 000 à 70 000) et il faudra attendre 1960 pour que la France signe la convention de l’ONU « pour la répression de la traite des êtres humains et l’exploitati­on de la prostituti­on d’autrui » adoptée en décembre 1949. Depuis les années 1990, l’apparition de nouvelles filières de prostituti­on mafieuses proches de l’esclavage (venant des pays de l’Est et de certains pays d’Afrique) a conduit à un durcisseme­nt de la lutte antiprosti­tutionnell­e. Avec, en 2003, l’établissem­ent du délit de racolage par Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur de l’époque, qui a fait porter sur les prostitués toute la charge de la culpabilit­é liée à la vente d’actes sexuels. La nouvelle législatio­n d'avril 2016 change radicaleme­nt le sens de la lutte antiprosti­tutionnell­e : avec la pénalisati­on des clients et l’abrogation du délit de racolage, les prostitués sont désormais désignés comme les victimes d’un système entretenu par des clients délinquant­s.

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