Saint Houellebecq ?
MICHEL HOUELLEBECQ, « CAHIER DE L’HERNE », DIRIGÉ PAR AGATHE NOVAK-LECHEVALIER, 384 P., 33 EUROS. EN PRÉSENCE DE SCHOPENHAUER, PAR MICHEL HOUELLEBECQ, L’HERNE, 96 P., 9 EUROS.
Le « Who’s Who » 2017 est sorti. C’est un copieux « Cahier de l’Herne » consacré à Michel Houellebecq. On y croise Frédéric Beigbeder, Emmanuel Carrère, Yasmina Reza, Jean-Louis Aubert, Iggy Pop, équipés de grands encensoirs pour canoniser le prophète en parka qui, résume Michel Onfray, est « probablement le plus grand contemporain de notre époque ». Même BHL est de la partie, qui confesse comment, un soir au Ritz, il a sauvé son « futur ami » du suicide en lui proposant d’écrire un livre avec lui. Il serait peut-être temps d’en finir avec l’idée que le prix Goncourt 2010 est « l’incarnation du politiquement incorrect », comme il l’expliquait lui-même à Bret Easton Ellis en 1999. Bizarrement on se demande presque ici comment il a pu l’être. Tout ça est un peu dégoulinant, et émouvant comme des remerciements aux Oscars, mais à condition de ranger son mouchoir, on trouve bien des choses passionnantes dans ce dictionnaire amoureux de Michel Houellebecq. Pierre Lamalattie, qui se souvient d’« une sorte d’ermite pouvant passer une vie entière à bouquiner et à se nourrir de camemberts ». Danielle Laurent, qui raconte comment ses premiers poèmes furent censurés par la ville de Paris. Julian Barnes, pour qui « le péché de désespoir » hante cet « habile écrivain qui est un moins habile romancier ». Ou Bruno Viard, qui montre comment « Soumission » convoque un « islam de carton-pâte sauf sur un point, la réhabilitation de la famille », parce que chez Houellebecq « la libération de la femme est la source de tous nos maux ». On peut aussi apprécier une oeuvre complexe sans traiter son auteur de génie à chaque page. Le plus intéressant, enfin, ce sont les textes de Houellebecq lui-même : sa correspondance avec son éditrice Teresa Cremisi, où il parle de ses livres comme d’un « sauvage attentat contre la civilisation » ; le soir où il a reçu le prix de Flore 1996, et décidé qu’il « allait devenir “star” » ; son journal dépressif de 2005, qui évoque sa mère, Modiano et les amis qui l’ont « trahi » ; de très belles pages sur Gourmont, Neil Young et Leonard Cohen ; un long poème écrit à 20 ans et des poussières, qui dit déjà tout en deux alexandrins : « Posté au carrefour de l’espace et du temps/J’observe d’un oeil froid l’avancée du néant. »