L'Obs

D’après une histoire vraie

Où l’on apprend comment et pourquoi, depuis son plus jeune âge, Philippe Besson réinvente sa vie… ARRÊTE AVEC TES MENSONGES, PAR PHILIPPE BESSON, JULLIARD, 194 P., 18 EUROS.

- CLAIRE JULLIARD

Enfant, il inventait des histoires sur des inconnus à peine croisés. « Arrête avec tes mensonges », disait sa mère, inquiète. Devenu écrivain, il raconte aux journalist­es qu’il n’écrit que des fictions. Encore un mensonge, si l’on en juge par ce roman autobiogra­phique. En 1984, le narrateur a 17 ans. Ce fils d’instituteu­r est en terminale à Barbezieux, en Charente. Dans la cour de récréation, il observe à la dérobée Thomas, un lycéen longiligne au regard sombre. Sa solitude l’attire. A sa grande surprise, le garçon lui donne un jour rendez-vous. Ils deviennent amants. « Pourquoi moi ? » demande notre héros. Lequel se peint comme un premier de la classe, un peu tête à claques avec ses lunettes de myope et son pull jacquard. « Parce que tu partiras et que nous resterons », répond Thomas. Il a pressenti ce que l’autre ne sait pas encore. Car le bon élève n’a alors aucun désir d’ailleurs. Le baccalauré­at sonnera pourtant le glas de sa liaison. L’auteur quitte la petite ville pour entamer de brillantes études à Bordeaux. Exit Thomas Andrieu, le fils d’agriculteu­r destiné à reprendre la ferme familiale. Il refait cependant irruption dans sa vie en 2007 sous les traits d’un jeune homme qui lui ressemble. Et pour cause, c’est son fils.

La suite démontre la virtuosité romanesque de Besson. Ce livre poignant, déroutant, sans doute son meilleur, pourrait être considéré comme la matrice de son oeuvre. Il en contient les principaux thèmes : le manque, l’absence, les élans inaboutis, les amours malheureus­es. Mais aussi le caractère imprévisib­le de l’existence, les événements inattendus qui en modifient le cours. Besson a rme de plus en plus sa filiation avec Duras, tant par l’épure du style que par le ressasseme­nt des thèmes et des noms. Celui de Thomas Andrieu, à qui le roman est dédié à titre posthume, apparaissa­it déjà dans « Son frère », son deuxième roman porté à l’écran par Patrick Chéreau. Comme y apparaissa­it déjà le paradoxe de Philippe Besson, une façon de « tout raconter » qui laisse planer une sensation d’inexpliqué.

Newspapers in French

Newspapers from France