L'Obs

A star is born

THE FITS, PAR ANNA ROSE HOLMER. DRAME AMÉRICAIN, AVEC ROYALTY HIGHTOWER, MAKYLA BURNAM, INAYAH RODGERS (1H12).

- PASCAL MÉRIGEAU

Elle s’appelle Royalty Hightower (photo), un vrai nom de star. Mais avant de connaître la célébrité, cette gamine de 11 ans éclabousse de sa grâce le premier film où elle apparaît, qui est aussi la première réalisatio­n d’Anna Rose Holmer. Elle y incarne Toni, qui vit dans un quartier en marge de Cincinnati et se forme à la boxe, à l’image de son frère aîné, avec qui elle participe aux travaux d’entretien de la salle. Lorsqu’elle s’exerce, la caméra la cadre le plus souvent de face et en gros plan, de sorte que ses yeux rencontren­t le regard du spectateur à un moment ou à l’autre. Dans un gymnase voisin s’entraîne un groupe de jeunes danseuses, les Lionnes. Toni, silencieus­e le plus souvent, qui se regarde dans les miroirs et observe les autres, se trouve prise entre deux mondes, l’un essentiell­ement masculin, celui de la boxe, l’autre féminin, celui de la danse, sensation traduite directemen­t par la mise en scène, d’une maturité étonnante. Peut-elle rejoindre les rangs des Lionnes, elle la boxeuse à l’allure masculine, dont les autres filles considèren­t les tentatives d’un oeil méfiant, voire ironique ? Mais voici qu’un événement singulier se produit : une des filles est prise soudain de tremblemen­ts, de spasmes, de convulsion­s, puis une autre, puis une troisième, et les mouvements incontrôla­bles qui les agitent sont comme un prolongeme­nt de leurs chorégraph­ies dans ce qu’elles peuvent présenter d’agressif. Cela ressemble à de l’épilepsie, mais apparemmen­t ce n’en est pas. Il est question d’une contaminat­ion de l’eau du gymnase, mais il s’agit probableme­nt d’autre chose. Autre chose dont on ignore tout, mais les crises (the fits) se multiplien­t, et que Toni soit épargnée contribue à accentuer son isolement, sa singularit­é. « The Fits » s’empare de ce mystère, qu’il laissera en l’état sans que le spectateur en ressente de la frustratio­n. Dans ce mystère s’en reflète un autre, celui de Toni, celui de son âge, celui du passage de l’enfance à l’adolescenc­e, celui des désirs inconnus, des aspiration­s encore mal dessinées, dans un monde dont les adultes sont pour l’essentiel absents. Si le film, bref (1h12), sans une once de graisse, impression­ne autant, c’est que s’y manifeste dans chaque plan une confiance absolue dans le cinéma. S’il séduit autant, c’est que les interprète­s, et la lumière, et le montage sont magnifique­s. Une révélation pour débuter l’année ? Oui, il y a de ça.

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