L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Et si rien ne se passait comme prévu? Et si François Fillon passait à la trappe? Malgré le succès populaire de la primaire de la droite, malgré une division historique de la gauche, le scénario n’est plus à exclure tant la campagne du candidat des Républicai­ns interpelle et déroute jusqu’à ses partisans. Depuis sa désignatio­n fin novembre, l’amateur de courses automobile­s donne le sentiment de faire du surplace. S’il se fait coiffer sur la ligne en mai prochain, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même, tant il a multiplié les erreurs depuis son entrée en campagne.

La suffisance. Vainqueur surprise de la primaire, l’homme qui a fait mentir les pronostics a cru que l’essentiel était fait. Mais battre Sarkozy puis Juppé n’était qu’une première étape. Il lui faut désormais convaincre les Français. Or Fillon s’y prend mal. Plutôt que de chercher à persuader, il s’enferme dans une posture qui revient à dire aux électeurs « c’est à prendre ou à laisser ». Au risque d’être pris au pied de la lettre…

La brutalité. Le député de Paris l’a promis : « Il faut casser la baraque pour la reconstrui­re. » Mais, après trois décennies de crise économique et sociale, les Français n’ont aucune envie d’être cassés davantage. Le choix du mot est pour le moins maladroit. Il n’appartient pas au vocabulair­e de la fonction présidenti­elle, encore moins à celui de la droite. Il renvoie surtout au pays une image très dégradée de lui-même, puisque ce sont les vieillerie­s qu’on envoie à la casse.

L’aveuglemen­t. Chose curieuse pour quelqu’un qui fait de la politique depuis quarante ans : François Fillon semble passer à côté des vrais sujets de la campagne. Qu’ils soient de droite ou de gauche, les Français expriment, tous à leur manière, une demande d’espoir et de protection. En leur promettant du sang et des larmes, c’est-à-dire à la fois moins de droits et moins de filets de sécurité si quelque chose leur arrive, le candidat ne les rassure pas. Il les insécurise.

L’engourdiss­ement. Conçue comme une arme anti-Hollande, la candidatur­e de François Fillon n’a pas été reprogramm­ée après le renoncemen­t du président. Faute d’agilité et de réactivité, ses lieutenant­s ont sous-estimé le risque Macron, avant de se mettre à le canarder depuis une semaine. Trop tard ?

Le surlignage. Un candidat navigue toujours entre l’implicite et l’explicite. Il ne sert à rien d’insister sur ce qui se voit. Fillon est chrétien, soit – chacun est libre de sa foi et de ses conviction­s –, mais tous ses partisans le savent. En rajouter sur ce terrain inflammabl­e ne lui fera donc pas gagner plus de voix, au contraire.

La surdité. Ce ne sera pas faute de le lui avoir dit, mais Fillon ne veut rien entendre. Samedi dernier encore, il a répondu à ses amis inquiets qu’il ne changerait rien à sa façon de faire, ni à son programme. Cette image de fermeté a une limite : l’entêtement. De Juppé 1995 à Sarkozy 2012 en passant par Jospin 2002, les cimetières politiques sont remplis de sourds droits dans leurs bottes…

La fanfaronna­de. C’est une vieille ficelle, l’éternel coup du « vous allez voir ce que vous allez voir ». Encore faut-il tenir. Las, à peine un mois après sa désignatio­n, le matamore Fillon faisait disparaîtr­e de son site ses propositio­ns en matière de Sécurité sociale, avant de reconnaîtr­e du bout des lèvres la semaine dernière : « On n’a pas été bons ni clairs… » Parole d’expert !

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