Une BD Diabolik
“L’Eté Diabolik”, l’album délicieusement rétro de Smolderen et Clérisse, a remporté le 5e prix de la BD Fnac, dont “l’Obs” est partenaire
L’ÉTÉ DIABOLIK, PAR SMOLDEREN ET CLÉRISSE, DARGAUD, 168 P., 21 EUROS.
En ces temps paléolithiques où ni les séries en streaming ni les films en 3D n’existaient, les jeunes gens cherchaient des sensations fortes dans les bandes dessinées. En particulier, à la fin des années 1960, dans de petits fascicules imprimés sur papier bon marché qui, aux étals des gares, exhibaient leurs couvertures pleines d’armes à feu, de tueurs masqués et de femmes plantureuses dénudées. Parmi ces BD de séries Z, souvent importées d’Italie, se trouvaient les aventures sulfureuses de « Diabolik », un Fantômas transalpin enveloppé dans un moule-bite noir, prêt à perpétrer mille forfaits violents, immoraux et terriblement kitsch. C’est à ces frissons de pacotille que « l’Eté Diabolik », de Thierry Smolderen et Alexandre Clérisse, rend hommage. Un tombeau aux belles choses d’hier que le cinquième prix de la BD Fnac, dont « l’Obs » est partenaire, a récompensé le 17 janvier dernier.
Tout commence à l’été 1967 dans une petite ville balnéaire. Le timide Antoine, 15 ans, découvre les joies de l’amour physique avec une belle Californienne, en même temps qu’une terrible machination dans laquelle son père, un industriel tiré à quatre épingles, semble plongé. Mais cette histoire d’espionnage, tru ée de fausses pistes, est à prendre au second degré tout comme l’atmosphère caricaturalement sixties qui baigne le récit. Le trait de Clérisse, saturé de couleurs pop, évoque tantôt le « Blow Up » d’Antonioni, tantôt « la Piscine » de Deray, voire – quand un petit carré d’acide s’en mêle – les BD psychédéliques de Guy Peellaert. On a une soudaine envie de placer un disque sur l’électrophone pour danser le twist, de grimper dans une DS plein cuir ou d’enfiler des chaussettes Balmoral. Les dialogues (« Extra, la bicoque ! », « La pauvre fille est tombée dans un fameux guêpier ») sonnent terriblement datés, donc terriblement justes. Cet insouciant album qu’est « l’Eté Diabiolik » parvient à dépasser l’exercice de style vintage pour nous en dire long sur la relation père-fils ou les illusions des premières amours. Bravo !