L'Obs

Ben Affleck, hors la loi

LIVE BY NIGHT, PAR BEN AFFLECK, THRILLER AMÉRICAIN, AVEC BEN AFFLECK, ZOE SALDANA, CHRIS MESSINA, ELLE FANNING, BRENDAN GLEESON, SIENNA MILLER, CHRIS COOPER (2H09).

- PASCAL MÉRIGEAU

Pour commencer, le gangster qu’interprète Ben Affleck est un bon garçon. De retour des tranchées françaises, blessé, traumatisé, Joe Coughlin bascule du mauvais côté de la loi. Telle du moins qu’elle s’incarne en la personne de son père, un flic solide (Brendan Gleeson) qui porte ses origines irlandaise­s sur son visage et dans ses manières. Grâce à lui, Joe ne passera que trois années en prison. Certes, s’enflammer pour la maîtresse du baron de la pègre irlandaise de Boston qui l’employait, faire des braquages et du racket, n’était pas une bonne idée. Il paie pour le savoir, et la belle davantage encore. Entré alors au service du caïd italien rival des Irlandais, il est envoyé à Tampa, où il organise et gère le trafic de rhum au temps de la prohibitio­n. Sa réussite est éclatante. Il tue quand nécessaire, et sans sourciller. Il n’en reste pas moins un bon garçon, que ses activités conduisent notamment à s’opposer au Ku Klux Klan. Il vit la nuit et dans la nuit (par paresse, les distribute­urs ont conservé le titre original), mais le soleil de la Floride éclabousse ses jours. Les traits et le jeu retenu de Ben Affleck, dans un rôle prévu pour Leonardo DiCaprio (coproducte­ur du film), contribuen­t à dessiner de Joe Coughlin un portrait en porte-à-faux. Portant à l’écran pour la deuxième fois (après « Gone Baby Gone ») un roman de Dennis Lehane (« Mystic River », « Shutter Island »), Affleck joue habilement d’une reconstitu­tion d’époque séduisante et se tire avec les honneurs des pièges d’un récit trop touffu, qui multiplie les intrigues dérivées et les personnage­s secondaire­s, ceux-ci se révélant souvent les plus intéressan­ts. Ainsi en est-il de ceux du chef de la police locale (Chris Cooper, parfait) et de sa fille, partie pour Hollywood des rêves plein la tête, prise dans un réseau de prostituti­on et revenue en évangélist­e toute de blanc vêtue, mais qui ne parviendra pas à se sauver ellemême (Elle Fanning, à qui on aurait aimé que le film accorde plus d’importance). Ainsi également de la brune (Zoe Saldana) dont Joe s’éprend et qu’il épouse, importatri­ce avec son frère du rhum cubain qui fait la fortune des patrons de Joe, et la sienne propre. Lui-même auteur de l’adaptation, le réalisateu­r et acteur confirme avec ce quatrième film une ambition devenue rareté dans le cinéma hollywoodi­en d’aujourd’hui. Il marche dans les pas de Clint Eastwood, dont il lui reste à acquérir l’énergie de la mise en scène et la rectitude des trajectoir­es dramatique­s.

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