L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

C’est officiel : les socialiste­s sont devenus fous. Leur Belle Alliance populaire n’a jamais aussi mal porté son nom. Il n’y a rien de beau dans ce spectacle, aucune alliance qui tienne la route pour remporter une élection, et encore moins d’engouement populaire.

L’incroyable cafouillag­e – pour ne pas dire plus – qui a entouré la publicatio­n des chiffres de la participat­ion au vote de dimanche dernier constitue une double faute. D’abord parce qu’il jette le doute sur l’honnêteté des organisate­urs et donc sur la sincérité du scrutin. Mais, surtout, parce qu’il donne le sentiment aux électeurs qui ont bravé le froid et les sarcasmes en se rendant aux urnes d’avoir été les complices involontai­res d’une mauvaise tambouille. Ceux-là voulaient relever la tête. Ils se sont pris un coup sur la nuque.

Les irréductib­les qui voudraient prendre le risque d’une seconde manche le week-end prochain sont désormais prévenus. Le choix qui les attend ne relève plus de la primaire mais du chamboule-tout. Arrivé en tête au soir du premier tour, Benoît Hamon propose une rupture nette avec tout ce dont les socialiste­s avaient l’habitude depuis leur accession au pouvoir en 1981 (voir p. 28). Changement de modèle économique et social, conversion écologique, VIe République… Le député des Yvelines s’affranchit du prêt-à-penser de la gauche de gouverneme­nt pour proposer un saut dans l’inconnu, dont beaucoup redoutent à juste titre qu’il ne la renvoie pour des années dans l’opposition. Face à lui, Manuel Valls propose de continuer ce qu’il avait initié lorsqu’il était Premier ministre, en ne modifiant sa politique qu’à la marge, au risque de paraître complèteme­nt sourd aux critiques et aux demandes de changement. Le premier met en avant ses valeurs, le second sa stature. L’idéal ou le réel… La vieille dialectiqu­e jauréssien­ne a encore de beaux jours devant elle si l’on en juge par la tonalité des récents échanges entre ces « camarades »…

Valls promet à son rival « une défaite assurée » et dénonce un projet qui sèmera « la ruine », « le sable et les illusions ». Hamon, lui, reproche à l’ancien Premier ministre de « faire commerce de l’angoisse » et de se cantonner à « des coups de menton »… Comment imaginer une seule seconde que ces deux-là iront, au lendemain de la primaire, battre ensemble les estrades ? N’en jetez plus, la droite, Macron et Mélenchon se régalent! Il n’y a pas au Parti socialiste deux gauches irréconcil­iables, mais deux gauches irresponsa­bles, tout simplement.

Et que dire enfin de François Hollande, président normal devenu lucide un soir de décembre, qui « ne pouvait se résoudre à la dispersion de la gauche, à son éclatement »… Son mépris affiché pour la primaire sonne comme une insulte à l’égard de son parti et surtout des électeurs qui lui avaient apporté leurs suffrages il y a cinq ans. Tout comme le refus de donner des consignes de vote d’un Vincent Peillon dont la seule motivation aura été de faire perdre Manuel Valls ou d’un François de Rugy qui semble découvrir un peu tard que cette primaire avait des allures de précongrès socialiste… Le PS pouvait difficilem­ent plus mal commencer sa campagne. Pour la gauche comme pour la démocratie en général, espérons qu’il la terminera plus dignement!

“IL N’Y A PAS AU PARTI SOCIALISTE DEUX GAUCHES IRRÉCONCIL­IABLES, MAIS DEUX GAUCHES IRRESPONSA­BLES, TOUT SIMPLEMENT.”

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