La primaire a créé un “effet bocal”
Q ui a voté pour François Fillon lors de la primaire de la droite ? Un public trié sur le volet, à en croire le think tank Terra Nova, qui publie cette semaine une longue analyse du scrutin, bureau de vote par bureau de vote. Cette étude démontre l’étroite corrélation entre l’emplacement géographique des bureaux de vote, sélectionnés à l’origine pour favoriser Nicolas Sarkozy, et les résultats obtenus. Selon Terra Nova, les organisateurs de la primaire de la droite ont en effet choisi des publics susceptibles d’y participer en privilégiant certains bureaux de vote plutôt que d’autres, d’où la forte participation enregistrée (plus de 4 millions d’électeurs).
Ainsi, des départements comme le Pas-de-Calais, pourtant très peuplé, la Haute-Garonne, le Finistère ou la Seine-Saint-Denis ont fait l’objet d’une faible couverture, contrairement aux Yvelines, aux Hauts-de-Seine, aux Alpes-Maritimes ou au Bas-Rhin, pourtant parfois démographiquement comparables. Dans ces derniers départements, note Terra Nova, l’électorat a manifestement été considéré comme
« plus intéressant ». L’étude porte également sur les communes où l’on a massivement voté comme Marnesla-Coquette, Louveciennes (Yvelines), Eckbolsheim, Haguenau (Bas-Rhin), Le Touquet (Nord). Bref, des villes riches, où les classes populaires sont peu représentées. S’agissant de l’analyse des résultats, l’étude note qu’au premier tour les communes comptant une plus forte proportion d’ouvriers ou d’employés ont davantage voté pour Nicolas Sarkozy. Celles comptant davantage de cadres l’ont boudé, au contraire d’Alain Juppé. François Fillon, quant à lui, a bénéficié en majorité des votes d’électeurs âgés de communes riches situées en zone rurale, qualifiés par Alain Lipietz dans « Libération » l’automne dernier de « bourgeois pas bohèmes ». Conclusion de Terra Nova : du fait d’un « ciblage précis et très discriminant », l’organisation de la primaire de la droite et du centre a été « remarquablement efficace en termes de mobilisation ». Mais, observe le think tank de la gauche hollandaise, cette efficacité a un revers : la primaire s’est « enfermée dans un bocal sociologique ». Ce serait donc une erreur de croire que les résultats obtenus représenteraient une tendance générale de l’électorat français.