SON PROGRAMME EST-IL CRÉDIBLE ?
La réforme proposée pour créer un revenu universel est d’une ampleur vertigineuse. Mais, pour le candidat, il est urgent de renouer avec l’audace des fondateurs de la Sécu
C’est bien joli de « faire battre le coeur de la France », ou du moins celui de la Belle Alliance populaire, cela n’a jamais donné de brevet de crédibilité. Benoît Hamon doit maintenant démontrer qu’il n’est pas un candidat fantaisiste, comme l’en accuse Manuel Valls.
En osant rompre avec le discours économique convenu, le député des Yvelines a réussi à séduire de nombreux électeurs, notamment parmi les jeunes. Mais son projet radical, qui vise tant à répondre à l’urgence environnementale qu’à adapter la société aux mutations du travail, est-il sérieux ou n’était-il qu’un attrape-bobo pour séduire l’électorat éduqué de la primaire ?
Pour la première fois, un candidat socialiste renonce à fonder son programme sur le retour de la croissance, prédit que la révolution numérique va ravager de très nombreux emplois, dénonce la course à la production et à la consommation, qualifie la dette publique des pays européens d’illégitime et n’hésite pas à proposer une refondation de la protection sociale comparable, par son ampleur, à la création de la Sécu.
Au soir du premier tour de la primaire citoyenne, les commentateurs se gaussaient, dénonçant tantôt un « socialpopulisme » voué à l’échec, tantôt une « posture de congrès du PS » indigne d’un statut de présidentiable. Son projet relèverait de la résignation : au lieu de chercher à retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi, il se contenterait de « soigner les blessés » par la pose de cataplasmes. Par ailleurs, ce serait un projet irréaliste, car impossible à financer.
Les économistes qui conseillent le candidat sont exaspérés par ce procès en déraison. « Benoît Hamon entend simplement remettre l’économie à sa place : elle doit être envisagée comme un moyen, pas comme une fin, résume Aurore Lalucq, économiste à l’Institut Veblen, spécialiste de la transition écologique. C’est l’approche la plus sérieuse qui soit : on fixe des objectifs politiques, sociaux, environnementaux, puis on voit quels sont les meilleurs moyens de les atteindre. » L’économiste Nicolas Postel, professeur à l’université de Lille-I, renchérit : « Il n’y a pas plus responsable que son approche. Car si on parle de soutenabilité d’un programme, il faut commencer par évoquer les biens les plus précieux. Or notre principal déficit n’est pas budgétaire, il est social et écologique. »
Benoît Hamon s’est fixé deux grands objectifs : accélérer la transition écologique de l’économie et adapter notre rapport au travail aux mutations imposées par le numérique. Côté transition, il entend prendre diverses mesures : rénovation des bâtiments publics (pour les rendre moins consommateurs d’énergie) ; sortie du diesel à l’horizon 2025; réduction de la part du nucléaire et développement des énergies renouvelables ; plan « zéro déchet », doublement (de 10% à 20%) de la part du PIB généré par l’économie sociale et solidaire… Autant d’idées qu’encouragent les plus sérieux des organismes internationaux. Et, du strict point de vue des finances publiques, investir dans la transition écologique n’a rien de farfelu : les économies d’énergie dans les bâtiments publics, par exemple, permettent largement de couvrir leur financement de départ. De même, la pollution atmosphérique coûte à la France 100 milliards par an... « Il y a un consensus des économistes sur la nécessité d’investir dans le logement, les économies d’énergie, les énergies renouvelables, rappelle Nicolas Postel. La rentabilité financière des investissements écologiques, sur le long terme, est très forte. Mais, pour les mener, il faut sortir des règles d’équilibre budgétaire de court terme. »
Si l’on met de côté le revenu universel (on y vient, on y vient…) le programme de Benoît Hamon, sur les questions de l’environnement, de l’éducation, de la santé, de la culture, est estimé entre 30 et 40 milliards, ce qui n’a rien d’extravagant.
Mais c’est sur l’autre grand axe de son programme, plus révolutionnaire, que portent les critiques les plus virulentes : Hamon propose de revoir de fond en comble notre rapport au travail. Ce qui passe par une hausse du smic, le droit au temps partiel accompagné d’une compensation salariale, la reconnaissance du burnout comme maladie professionnelle, l’instauration d’un droit universel à la formation tout au long de la vie, des incitations à passer aux 32 heures et, surtout, par le fameux revenu d’existence universel, pierre angulaire de son projet.
Le candidat entend « transformer complètement notre protection sociale » afin que tous continuent à participer à une « société de semblables » malgré les bouleversements en cours. « La gauche ne peut accepter que beaucoup ne soient plus protégés et que ceux qui le demeurent soient stigmatisés, énonce Hamon. Le revenu universel sera “la protection de tous par tous”. »
Le plan qu’il propose est encore flou, surtout dans sa dernière étape. Dans un premier temps, le RSA sera revalorisé de