LES PHALANGES DE MARINE LE PEN
Les identitaires veulent une France blanche, débarrassée des étrangers et des musulmans. Leur ancien leader, Philippe Vardon, oeuvre dans l’équipe de campagne de la candidate du FN à la présidentielle
Génération identitaire est sur le pied de guerre. Dans la froidure de janvier, les jeunes « Ids » parisiens ont marché, à la lueur des flambeaux, vers la montagne Sainte-Geneviève en l’honneur de la patronne de la capitale. Rugissant leurs slogans «Daech! Daech! On t’encule!», « On-est-chez-nous ! On-est-chez-nous ! ». La branche lyonnaise vient d’inaugurer sa salle de sport réservée aux « patriotes » et baptisée l’Agogé, du nom de l’éducation obligatoire et collective spartiate. Boxe et autodéfense, les identitaires se doivent d’être affûtés, disciplinés et aptes à canaliser leurs pulsions. Les activistes lillois, quant à eux, s’apprêtent à publier sur les réseaux sociaux « 30 mesures pour une politique d’identité et de remigration ». Cette phalange a la taille d’un groupuscule, mais elle fait le bruit d’une armée. Elle veut la victoire des « Français de souche » en 2017 et lance ses forces dans la bataille pour faire gagner Marine Le Pen. « Nous ne
sommes pas avec mais à côté. Et nous allons dans le même sens », dit Aurélien Verhassel, patron de la branche nord de Génération identitaire.
Officiellement, la candidate du Front national se méfie de leur entrisme et les tient à distance. Mais elle a embauché dans son équipe celui qui a été leur leader charismatique, Philippe Vardon. L’inspirateur des soupes au lard, d’une Marche des Cochons à Lyon, d’un sit-in à Calais. Le penseur des opérations commando, comme l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers, par soixante-treize identitaires, dont son frère, Benoît Vardon, ou celle du toit du siège parisien du Parti socialiste, retransmise en direct sur les réseaux sociaux. Des actions coups de poing pour attirer la lumière et attiser la colère contre les musulmans, les migrants, les étrangers.
A l’Escale, le QG du FN, ce trentenaire, père de famille, travaille au pôle IdéesImage, au coeur du réacteur de la campagne de Marine Le Pen. Militant aguerri, formé intellectuellement, il a la réputation d’être un as de l’agit-prop, « une bête de com, un mec intelligent », dit-on au FN. Par deux fois, son adhésion au Rassemblement Bleu Marine lui avait été refusée. Trop infréquentable, le chef de Nissa Rebela, le groupe phare des « Ids » à Nice qui rebaptisait les rues de sa ville « rue de la lapidation » ou « rue de la burqa ». C’était compter sans Marion Maréchal-Le Pen. Elu conseiller régional sur la liste de cette dernière en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), Philippe Vardon a vu s’ouvrir les portes du Front national. Steeve Briois, vice-président du parti d’extrême droite, s’en est réjoui lors d’une visite à Antibes en janvier dernier, saluant la présence de cette recrue, à ses côtés, à la tribune: « Je ne regrette pas d’avoir été un des rares à faire ta promotion, alors qu’il y avait une sorte de fatwa [sic] lancée contre toi. »
Depuis qu’il est à l’Escale, Philippe Vardon refuse toute demande d’interview, trop averti du retour de boomerang de son passé radical. Carte du FN en poche, quels sont encore ses liens avec les Identitaires ? Croisé quelques mois plus tôt au siège du conseil régional de Paca, à Marseille, l’élu nous avait indiqué avoir « quitté les instances dirigeantes en 2014 » et « fait un choix personnel ». Il porte le costume et aspire, désormais, à la respectabilité. Des ultras ont pu lui reprocher d’aller à la soupe, mais à Génération identitaire, son nom est toujours révéré. En séance, ses charges n’en sont pas moins féroces contre le président de la région, Christian Estrosi, qu’il a accusé de conduire à « l’islamisation » de Nice par « clientélisme », dans un livre intitulé « l’Imam Estrosi ». Lequel le lui rend bien, en rappelant, devant l’assemblée régionale, sa condamnation à six mois de prison ferme, à l’automne, par le tribunal correctionnel de Draguignan pour sa participation à une rixe avec trois jeunes Maghrébins, à Fréjus, en 2014. Une peine également infligée à la partie adverse par le juge, pour provocations partagées. L’élu Vardon a fait appel.
Philippe Vardon est un enfant du pays niçois, un régionaliste, fier de sa terre et de son dialecte, le nissart. Dans sa cité des Moulins, il raconte s’être senti comme un étranger, dernier petit Blanc submergé par les Nord-Africains, les immigrés. Sa mère pied-noir, aide-soignante, tire le diable par la queue. Adolescent, il affronte la «racaille», fréquente les skins. Sur scène avec son groupe de rock Fraction
“PHILIPPE VARDON A UNE VRAIE PENSÉE D’ORDRE, C’EST PRÉCIEUX POUR LE FRONT NATIONAL, QUI EST UN PARTI OÙ RÈGNE L’ANARCHIE.” NICOLAS LEBOURG, HISTORIEN