Strindberg par ses femmes
TROIS EX, PAR RÉGINE DETAMBEL, ACTES SUD, 141 P., 15,80 EUROS.
Voici les premières scènes de la vie conjugale. August Strindberg (1849-1912) [en 1874, photo], qui ne « pouvait aimer qu’en blessant », a eu trois épouses, dont il a divorcé à chaque fois. Ce brillant petit biopic, comme on dit à Cannes, inventif, puissant, libre, est une revanche, ou du moins la réponse de la bergère au berger. Régine Detambel fait d’elles trois narratrices, reprenant leur malheureux flambeau entre chaque mariage, pour raconter l’impossible compagnonnage avec cet écrivain, dont toute l’oeuvre est une attaque du mariage, des femmes, de l’hypocrisie, mais qui est dévoré par « l’écriture, l’alcool, le tabac, la haine, la fureur », et ne vit que pour « chier de l’encre ». Même la richesse, le « fric en rut », qui vint enfin effacer une vie de mouise, est une déchéance supplémentaire. Et pourtant elles l’aimaient, toutes les trois, chacune à sa manière, sous les insultes et les imprécations. D’ailleurs, Régine Detambel ne cherche pas à l’accabler : il s’accable tout seul, et resplendit tout à la fois. La phrase elle-même est bouleversée, les tons, les points de vue s’entrechoquent : « Le médecin a appelé un chirurgien, doux Jésus il est dans un drôle d’état, qui a chaussé ses lunettes et s’est penché sur l’abdomen enflé, est-ce qu’il y a des cancers dans votre famille ? » Et puis il y a les autres, les éditeurs, la presse, les ligues de vertu, et tous les Suédois : « August reçoit des lettres d’injures contenant des crachats purulents ou de la merde, ou les deux. » Avant de les porter au pinacle, on hait ses pièces « hideusement réelles ». On le hait pour cela. Ses trois femmes ne savent plus comment redresser ce qui s’écroule, comment survivre. Tout est trop contradictoire. Elles voudraient être heureuses… « Une pièce n’a pas de ventre, elle n’a pas de coeur, elle n’a pas de dents, ainsi elle n’emmerde personne. Tandis que moi je suis toujours affamée. Mon coeur a toujours besoin de lui. » Strindberg écrit : « Je ne supporte plus la joie d’August devant son cahier noir. Je ne supporte plus le don d’August. » Que faire de tout cela ? De cette haine déguisée en amour, de cette haine qui se nourrit d’amour? Il est vrai que Bergman n’est pas loin. Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
liste a lui-même fait partie de ceux qui ont fourni des idées sur l’avenir de la « Revue de deux mondes », lorsqu’en 2015 il fallait chercher un successeur à Michel Crépu, appelé à diriger la « NRF » de Gallimard. La délivrance de ses conseils fut gratuite, précise-t-il. Et c’est en bénévole qu’il est ensuite devenu membre du comité de rédaction et pigiste à ses heures perdues, toujours bénévolement. En 2015, rue de Lille, la nouvelle ère marquée par la nomination à la tête de la revue de sa compagne, la journaliste Valérie Toranian, ancienne directrice de « Elle » a été fort courtoise. Elle a toutefois été marquée par un incident lors d’un des premiers comités de rédaction. Ce jour-là, « FOG », venu se présenter à l’équipe, ne dément pas le fait d’avoir appelé des auteurs présents non à changer de ligne mais à « arrêter d’enculer les mouches ». Sa colère serait née du fait que l’on s’en prenne à l’écrivain Michel Onfray. Deux collaborateurs de la revue avaient peu après choisi de partir vers d’autres univers.
Signe éventuel de l’utilité des conseils stratégiques, les ventes sont passées de 5 000 numéros par mois à 8 000 ou 10 000 aujourd’hui. Mais sans que Giesbert n’y croise de Penelope. Le journaliste écrivain tient à souligner que la période litigieuse (2012-2013) précède de deux ans l’arrivée de la nouvelle direction. Et il encourage ceux qui profiteraient du goût du soufre pour s’attaquer à la revue à venir lire le dernier numéro, qui a mis en une François Fillon, et qui est malencontreusement sorti la même semaine que le scandale. « Il n’y a pas de politique. Mais du débat, en toute indépendance. Ce n’est en rien un panégyrique du candidat. » Ne figurent effectivement pas que des amabilités dans cette édition…
Un de ses proches est catégorique : Marc Ladreit de Lacharrière « est de droite, bien entendu » et il aurait bien vu François Fillon à l’Elysée. L’intéressé s’offusque : « Mais comment pouvez-vous savoir pour qui je vote ? » Il y a encore un an, il était surnommé l’« ami milliardaire de Hollande ». Avant encore, on jasait sur ses amitiés avec Jacques Chirac, avec lequel il partage le goût pour les arts premiers. « C’est un homme généreux », veut rassurer le metteur en scène Régis Wargnier, qu’il a rencontré à l’Académie des Beaux-Arts. Et ceux qui le connaissent s’accordent sur le fait que « MLL » s’est construit l’image d’un homme libre, qui aime avant tout s’amuser et qui multiplie les casquettes : éditeur (« Masson »), patron de presse (« Valeurs actuelles » qu’il revendra à Serge Dassault), il est derrière les youtubeurs Norman et Cyprien, qui travaillent pour sa société Webedia, mais il est surtout financier. Il avait débuté dans le groupe Suez, avant de devenir le directeur financier de L’Oréal qu’il quittera en 1991, « meurtri de ne pas avoir été choisi comme PDG » : « La famille Bettencourt avait préféré Lindsay Owen Jones ; c’est cette déception qui lui a donné la force de créer son groupe Fimalac, pour prendre sa revanche », explique un proche. « Son talent, c’est savoir agréger et développer », résume son conseiller Alain Minc. L’un de ses plus beaux succès est d’avoir imposé un métier encore inconnu en Europe : la notation financière et sa société Fitch, devenue le numéro trois mondial du secteur. La notation, c’est un pouvoir immense : juger l’action et la stratégie des gouvernements et des PDG. En un mot, observer la marche du monde.
Comme « l’Obs » l’a révélé et tandis que « l’affaire Fillon » continuait cette semaine à s’amplifier, Marc Ladreit de Lacharrière a été entendu lundi par les enquêteurs à la recherche de la matérialité des travaux de Penelope Fillon. En plus des soupçons de détournements de fonds publics qui visent ses fonctions d’attachée parlementaire, l’enquête est ici ouverte pour de présumés détournements de fonds privés. Si les faits sont avérés, la qualification est aussi encombrante pour le patron que pour la bénéficiaire – abus de biens sociaux et recel –, passibles de cinq ans de prison et 375000 euros d’amende. Des numéros du mensuel où apparaissent les deux critiques littéraires litigieuses ont été saisis. La discrète épouse ne les a pas signées de son vrai nom, mais d’un pseudonyme, « Pauline Camille ». A la recherche de ce Paul Bismuth de l’intelligentsia parisienne, des habitués des deux mondes s’interrogent. Ces deux prénoms pourraient à leur tour provoquer des questions chez les enquêteurs et éclairer la véritable personnalité de l’auteur des deux fiches de lecture…