L'Obs

Jaoui & Bacri : c’est pour rire !

CUISINE ET DÉPENDANCE­S ET UN AIR DE FAMILLE, D’AGNÈS JAOUI ET JEAN-PIERRE BACRI. PORTE-SAINT-MARTIN, PARIS-10E, 20H30, 01-42-08-00-32. EN ALTERNANCE.

- JACQUES NERSON

On sous-estime ceux qui font rire. Comme si la comédie était un genre mineur réservé aux esprits de bas étage. Lors des créations de « Cuisine et dépendance­s » (1991) et « Un air de famille » (1994), on n’a pas assez pris garde à la subtilité des textes d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri. Ils disent avoir pris pour modèles Tchekhov et Woody Allen. Leur comique est voisin en effet, à savoir nourri d’amitié pour leurs semblables. Dans « Cuisine et dépendance­s » (photo), Jacques et Martine reçoivent un copain perdu de vue depuis dix ans. A vrai dire, c’est lui qui les a perdus de vue, car il est devenu de son côté un personnage très médiatique. Eblouis comme des papillons de nuit par la flamme, ils envoient aux pelotes leurs amis proches. Dans « Un air de famille », la mère, le frère, la belle-soeur et la soeur d’Henri se retrouvent dans son café comme chaque vendredi. Mais ce soir la femme d’Henri lui a annoncé qu’elle allait se séparer de lui pendant quelques jours. « Pour réfléchir. » Cependant nul n’en a cure car son frère Philippe, le préféré de la mère, vient de passer à la télévision. Le fameux quart d’heure de célébrité naguère promis à tous par Andy Warhol est tout de même plus important que la conjugalit­é d’un couple de cafetiers ! Point commun entre les pièces, chacun remue le couteau dans la plaie de l’autre. Mais pas de propos délibéré, il n’y a pas de méchants ici, rien que des maladroits qui s’écorchent mutuelleme­nt sans le vouloir.

Jaoui et Bacri possèdent leur métier à la perfection. Ils ne sont pas nombreux ceux qui savent, comme eux, allier l’humour et l’humanité. Preuve qu’on peut rire de l’autre sans le rabaisser, divertir le public sans l’avilir. Un quart de siècle après sa création, leur théâtre n’a rien perdu de sa drôlerie. D’autant plus qu’Agnès Jaoui, qui assure les deux mises en scène, a trouvé en Grégory Gadebois, Léa Drucker, Laurent Capelluto (photo), Jean-Baptiste Marcenac (photo), Nina Meurisse et Catherine Hiegel les dignes successeur­s des premiers interprète­s (Zabou Breitman, Sam Karmann, Jean-Pierre Darroussin, Catherine Frot, Wladimir Yordanoff, Claire Maurier, plus les deux auteurs). Espérons qu’encouragé par le succès de ces reprises le tandem Jaoui-Bacri reprendra souvent le chemin du théâtre. Ils manquaient.

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