L'Obs

Les lundis de Delfeil de Ton.

Les mots croisés

- D.D.T.

Si Napoléon avait connu la voiture automobile, il aurait collection­né les bagnoles. On fait avec ce qu’il y a, il a collection­né les chevaux. Il en a eu 130. Ça lui coûtait cher en avoine mais ne vous en faites pas, c’est encore nous, les Français, qui avons payé.

Tout le temps à cheval, Napoléon. Ou en carrosse, mais alors en temps de paix et avec lui c’était tout le temps la guerre. De victoire en victoire, il volait, sur son cheval. Le jour où tout s’est fini sur une défaite, sur une morne plaine, il montait son préféré, Marengo. Il lui a fallu en descendre et les Anglais le lui ont barboté. Après Waterloo, il l’a jamais revu, son Marengo.

Ç’aurait été, comme on l’a dit, une voiture, c’était une Lamborghin­i, une Maserati, une Alfa-Romeo. Une italienne, le nec plus ultra. Le nec plus ultra, au temps des empereurs à cheval, c’était le cheval arabe. Marengo était un arabe. Napoléon l’avait barboté lui-même à un Egyptien, profitant de l’expédition d’Egypte, à l’époque où il était connu sous le nom de Bonaparte. A la guerre comme à la guerre, hein, c’est pas un crime, c’est un butin.

Quinze années qu’ils ont chevauché ensemble. A Waterloo, Napoléon se faisait vieux et Marengo aussi. Le premier s’en est allé à Sainte-Hélène, où il est mort six années plus tard, le second en Angleterre, où il lui survécut onze années. Marengo est mort à l’âge de 38 ans. Les Anglais l’avaient exhibé dans des galas, lui avaient fait saillir quelques belles pouliches, mais il était mélancoliq­ue (là, on brode). Mélancoliq­ue à la pensée des jours anciens.

Quand Marengo a été mort, vous savez ce qu’ils ont fait, les Anglais ? Ils ont continué à l’exhiber. Ils ont exhibé son squelette. Yes, sir. Vous dire si Napoléon les avait impression­nés. Les os de son canasson. Le National Army Museum, sis à Chelsea, qui doit bientôt rouvrir après deux ans de travaux, compte les exposer après restaurati­on. Paraît qu’on n’aura jamais vu Marengo comme ça, comme en pleine action, manquera que le squelette de Napoléon posé dessus pour qu’on croie voir le tableau de David, sauf que là ç’aurait été comme s’ils avaient été peints aux rayons X. Il est permis de rêver.

Vas-y, Napoléon. T’es aussi fort que Federer. Une Anglaise s’est fait barboter son oiseau de compagnie par la RSPCA, qui est la Société protectric­e des animaux de son pays. C’était un émeu. Elle l’avait acheté sur eBay. Sous forme d’oeuf. Pas cher, environ 20 euros. Elle en avait pris soin, puis il avait éclos. Il est tout jeune. Apparu le 5 janvier, il n’a pas fallu quinze jours pour que des inspecteur­s viennent le lui retirer. Motif : logement trop petit. Le volatile n’aurait pas été à son aise. L’émeu est le deuxième oiseau le plus grand du monde, après l’autruche. Pour donner une idée : il peut atteindre 2 mètres de haut. Marengo atteignait 1,40 mètre au garrot. Quand Marengo est connu pour avoir couru en cinq heures les 130 kilomètres entre Burgos et Valladolid, un émeu peut courir à 55 kilomètres à l’heure. Il lui faut de l’espace. Sans doute ne se rendait-elle pas compte, la dame, quand elle a passé sa commande sur eBay.

Connaisson­s mieux l’émeu. Il est commun en Australie et Wikipedia nous apprend qu’on élève l’émeu pour sa viande, ses huiles, ses plumes. Etonnons-nous ensuite de ce que la RSPCA ne semble pas avoir laissé l’alternativ­e à cette ménagère. Son oiseau lui a été enlevé qui n’aurait pas eu besoin d’espace si elle s’en était servi pour le manger et se faire belle. La voilà, la liberté, sous Mme Theresa May ? On comprend qu’elle fasse ami-amie avec un Donald Trump.

Au vrai, a aire mal embarquée. A son éclosion, il a été baptisé Kevin. A l’examen, Kevin est une femelle. Quand ça veut pas.

Les Anglais le lui ont barboté. Après Waterloo, Napoléon l’a jamais revu, son Marengo.

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