L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

La gauche est protéiform­e. Elle est à la fois la colère de Mélenchon, l’utopie de Benoît Hamon et l’espoir d’Emmanuel Macron. A l’aube de cette présidenti­elle imprévisib­le, ses électeurs ont désormais le choix entre trois options claires: renverser, rêver, ou réformer. La gauche n’arrive jamais à conjuguer les trois lorsqu’elle est au pouvoir. Chaque fois, les premiers protestent et s’indignent, les deuxièmes échafauden­t et les troisièmes appliquent. Mais comme souvent quand il s’agit de passer des principes à la pratique, il y a de la perte en ligne.

Longtemps le Parti socialiste est parvenu à maintenir en son sein ces trois exigences, de façon artificiel­le, il faut bien le reconnaîtr­e. A force de ne pas choisir et d’entretenir le flou – d’« enfumer tout le monde », comme disait François Hollande en son temps –, le PS se fracasse aujourd’hui sur les ambiguïtés de son bilan. Le réel, c’est quand on se cogne, disait Lacan…

Jean-Luc Mélenchon est assurément celui qui a le plus à perdre dans cette nouvelle donne. La victoire de Benoît Hamon à la primaire le radicalise autant qu’elle le ringardise. Le champion de La France insoumise, qui s’imaginait être le débouché naturel des frondeurs et autres déçus du quinquenna­t, est contraint de revoir sa tactique. Lui qui il y a encore un mois lissait son discours pour tendre la main aux socialiste­s a d’ailleurs bien vite retrouvé ses accents « dégagistes ». Mais il court le risque de se faire tailler quelques croupières, en particulie­r chez ses fans de la dernière heure, qui apprécient le personnage sans pour autant goûter tous ses emportemen­ts.

Benoît Hamon joue gros lui aussi, dans cette affaire. Sa désignatio­n inattendue a créé un effet de souffle. Elle redonne des couleurs aux socialiste­s qui avaient pris l’habitude de penser en noir et blanc. Mais, passé la divine surprise, il va devoir choisir. Rester pur pour peser sur la ligne et sur le prochain congrès, au risque de transforme­r le PS en think tank. Ou se recentrer pour rassembler la famille socialiste, quitte à grenouille­r dans un marécage de cynisme et de non-dits. C’est un vieux match qui se dispute là et qui rappelle à bien des égards celui du laboratoir­e d’idées rocardien contre la machine à remporter les élections de Mitterrand…

Pendant ce temps-là, Emmanuel Macron, lui, continue d’arpenter son chemin que d’aucuns voient se transforme­r en boulevard depuis l’élection de Benoît Hamon. Grossier trompe-l’oeil… Car le défi qui attend l’ancien ministre de l’Economie est immense. Son numéro d’équilibris­te centriste séduit autant qu’il agace, à mesure que l’échéance approche. A trop vouloir embrasser à gauche comme à droite, il risque de ne plus trouver sa place sur un échiquier politique qui n’a pas été aussi clivé depuis longtemps. Il lui appartient de prouver désormais qu’il peut symboliser autre chose qu’un chèque en blanc gagé sur sa seule bonne mine et quelques judicieuse­s intuitions, en dévoilant pour de bon son programme. Ce n’est qu’au regard de cette nécessaire clarificat­ion qu’une éventuelle recomposit­ion de la gauche sera possible. Seule certitude : celle-ci ne se fera pas dans les appareils, mais dans les urnes, tant les divergence­s de forme et de fond entre ces trois candidats paraissent profondes.

“LES ÉLECTEURS ONT LE CHOIX ENTRE TROIS OPTIONS CLAIRES : RENVERSER, RÊVER, OU RÉFORMER.”

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