Voyage en France (6/16) « Les gens ont envie de renouvellement. » A Montpellier, les pionniers du mariage gay
Pour prendre le pouls du pays à la veille de la présidentielle, “l’Obs” retourne à la rencontre de ces Français qui furent au coeur des enjeux politiques, économiques et sociétaux du quinquennat. Cette semaine, à Montpellier, les premiers mariés gay
Ils se donnent du « mon coeur » comme n’importe quel couple d’amoureux. Sauf que Vincent et Bruno ne sont plus n’importe qui. Le 29 mai 2013, ils furent les tout premiers gays français à se marier. Dans le petit local de l’association Lesbian & Gay Pride, dont Vincent, chef d’entreprise dans la communication, est le président bénévole, ils se remémorent leur fierté, au lendemain de cette fête mémorable. « Il était 7 heures du matin, on s’est couchés, ça m’a fait tellement chaud au coeur de lui dire qu’il était mon mari », dit Bruno, 33 ans, brun à la peau mate, ancien fonctionnaire désormais engagé par le festival québécois Fierté Montréal.
Le couple symbole est pourtant déçu. Il garde une rancoeur contre Hollande, qui n’a pas tenu ses promesses de campagne, en refusant la PMA (procréation médicalement assistée) aux femmes lesbiennes. « C’est de la traîtrise, car il s’était engagé. Quel manque de respect! », estime Bruno. Le gouvernement a reculé devant la Manif pour tous, un sacré coup de canif au contrat de confiance. « Pourquoi devrait-on croire aujourd’hui les candidats de la Belle Alliance populaire? Ils ont eu l’occasion d’appliquer leur programme et ne l’ont pas fait. Manuel Valls lui-même s’était dit “favorable” à la GPA [gestation pour autrui, NDLR] en 2011, avant de changer d’avis », tacle Vincent, qui n’a donc pas voté à la primaire. Les deux hommes savent bien que leur rêve de fonder une famille grâce à une mère porteuse est compromis. « En France, on n’a même plus le droit de parler de ce sujet, regrette le jeune homme. Ça n’évoluera pas. » Les deux époux ne craignent pas, en revanche, les coups de boutoir de la droite contre le mariage homo. Pure intox politicienne! « Il n’est pas possible constitutionnellement de revenir sur le mariage gay, disent-ils. Mais nous en avons tellement marre de ces hommes politiques qui s’en servent comme d’un levier de com. Regardez Hervé Mariton [député LR de la Drôme] ou Jean-Frédéric Poisson [président du Parti chrétien-démocrate, candidat à la primaire de la droite] : ils se sont construit une notoriété sur le dos de la population gay. » Et que dire de l’a aire Fillon (qui avait par ailleurs voté contre la dépénalisation de l’homosexualité en 1982) ? « Dans un autre pays, il ne pourrait plus se présenter. Et la vraie question est : combien de Fillon? » se demande Vincent. Pour les époux, il est grand temps de donner un coup de balai. « Notre pays sou re de l’absence de changement de génération, de parité, de représentation réelle des citoyens, estime Vincent. La victoire de Benoît Hamon montre que les électeurs veulent autre chose. De nombreux députés en sont à leur cinquième, sixième, septième mandat. Où va-t-on? Il faudrait les limiter à deux. » Pour Bruno, le succès du FN vient aussi de là : le parti d’extrême droite a su, lui, proposer aux électeurs de nouveaux visages, plus jeunes... Et pourquoi ne pas s’inspirer de l’Islande, qui a chargé des citoyens de réviser sa Constitution? Un exemple de démocratie participative. « On pourrait imaginer une parité à l’Assemblée entre professionnels de la politique et citoyens », clament-ils en choeur. Vincent s’intéresse de près à la candidature citoyenne de Sébastien Nadot, un prof de sport agrégé. « Quelqu’un de la vraie vie. Mais ce sera di cile pour lui d’avoir les cinq cents signatures… »
Quant au « cas Macron », il les laisse dubitatifs. L’homme est « du sérail ». Mêmes grandes écoles que les autres, ex-ministre… Comment croire en sa nouveauté? « Mais il a l’intelligence de servir la soupe dont les Français ont envie : tout ce qui est à droite n’est pas pourri, tout ce qui est à gauche ne l’est pas non plus, dit Vincent. Il a une belle gueule, qui plaît. L’intérêt qu’il suscite montre, encore, combien les gens ont envie de renouvellement. » Vincent a donc pris sa décision. Cette année, il se présentera aux législatives.