L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au. Le dessin de Wiaz

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU

Il fallait une bonne dose de culot pour se livrer à pareil exercice et François Fillon en a eu, force est de le reconnaîtr­e. Il fallait aussi que la situation soit sacrément désespérée pour qu’il finisse par s’y résoudre, et elle l’était. Il aurait fallu en revanche un miracle pour permettre au candidat de faire toute la lumière, laver son honneur et repartir en campagne comme si de rien n’était. Las. Le prodige n’a pas eu lieu. Trop de non-dits, d’évitements et de raccourcis ont plombé la crédibilit­é de son propos sur le fond. Quant à la forme… la contrition attendue s’est vite muée en arrogance débridée, faisant de lui au mieux un candidat boiteux. Au pire, un tartuffe sans vergogne.

Reprenons les choses dans l’ordre. Non, François Fillon n’a pas été victime d’une chasse à l’homme et encore moins d’attaques d’une violence inouïe de la part de la presse. Depuis les révélation­s du « Canard enchaîné », ce sont ses petits arrangemen­ts avec la vérité et son refus de répondre à des questions pourtant simples qui ont transformé sa campagne en chemin de croix. François Fillon n’a pas non plus fait l’objet d’un traitement médiatique particulie­r, quand d’autres candidats auraient été épargnés. Pour ce qui concerne « l’Obs », nous avons par exemple publié une longue enquête sur la fortune d’Emmanuel Macron début janvier et consacré la semaine dernière un numéro entier aux turpitudes du FN plutôt qu’au « Penelopega­te ».

Pousser des cris d’orfraie et froncer les sourcils ne changera rien à l’essentiel. François Fillon avait lancé sa campagne sous le signe de la probité et de l’exemplarit­é? Les Français ont découvert, ébahis, qu’il n’était qu’un élu peu regardant sur la morale et l’éthique personnell­e lorsqu’il s’agissait de toucher des chèques. Le même Fillon avait fait de la baisse des dépenses publiques la pierre angulaire de son programme? La légèreté avec laquelle il a utilisé l’argent du contribuab­le pour servir sa famille et la façon dont il minimise aujourd’hui des sommes en jeu permettent largement de douter de sa sincérité.

Mais plus encore, c’est son mode de défense qui jette le trouble. Tout cela était légal, jure-t-il, et puis d’autres élus que lui le faisaient… Pourquoi diable alors avoir présenté ses excuses aux Français? Parce que l’opinion a évolué sur ces questions, argue-t-il. La belle affaire! François Fillon ne semble pas voir le noeud du problème. S’il fait aujourd’hui amende honorable, ce n’est donc pas parce qu’il juge ces pratiques dévoyées mais parce que ses concitoyen­s ne les supportent plus. Rappelons au passage que cette soudaine prise de conscience ne l’avait pas effleuré lors de l’adoption de la loi sur la transparen­ce de la vie publique qu’il a refusé de voter… Il appartiend­ra bien sûr à la justice de se prononcer sur le caractère fictif ou non des emplois occupés par son épouse et ses enfants, à condition que les juges parviennen­t à faire leur travail et à démêler le faux du vrai. En attendant, François Fillon peut bien tenter de rassembler derrière lui sa famille politique à coups de trique et se soustraire à ce qu’il appelle « le tribunal médiatique », il n’échappera pas aux questions de bon sens. Ni au jugement des Français.

LA CONTRITION ATTENDUE DE FRANÇOIS FILLON S’EST VITE MUÉE EN ARROGANCE DÉBRIDÉE, FAISANT DE LUI AU MIEUX UN CANDIDAT BOITEUX.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France