Dossier spécial Les diplômes qui donnent du travail
Jusqu’au 20 mars prochain, 800 000 lycéens de terminale doivent choisir leur voie et formuler leurs voeux d’études supérieures sur admission-postbac.fr. Un casse-tête? Voici notre dossier pour détecter les secteurs qui embauchent, choisir les métiers de d
Nous ne sommes pas égaux face aux diplômes. Au moment de choisir les « bonnes » formations, celles qui mènent aux métiers les plus intéressants, les plus prestigieux et les plus rémunérateurs, l’information, indépendante, fiable, est plus que jamais le nerf de la guerre. Et le jeu n’est pas équitable, loin de là. « Si nous avions su !, raconte ainsi, très amère, Florence, dont la fille a été recalée deux fois en médecine. Personne ne nous a expliqué que le concours n’est pas national, comme cela semblerait logique, mais organisé par chaque université avec des épreuves et des barèmes différents : qu’on peut être reçu à Amiens avec 10 de moyenne, mais pas à Paris. » Et une étude du ministère de la Santé révèle l’étonnante endogamie des professions de santé: plus de 40% des reçus aux concours de médecine et pharmacie ont des parents qui exercent déjà ces professions.
La sociologue Agnès van Zanten vient de mener une enquête au sujet du système « Admission postbac » (APB), qui recueille les voeux des bacheliers et effectue la sélection par filière. Elle a constaté que, dans les lycées socialement les moins favorisés, l’information porte sur la procédure administrative, mais en aucun cas sur ses enjeux. Tandis que dans les beaux quartiers, les élèves reçoivent des conseils de stratégie, sont encouragés et accompagnés pour rejoindre les formations sélectives. Et qu’on ne compte pas sur les nombreux Salons d’orientation, qui sont censés ouvrir les yeux des familles : les universités, qui offrent pourtant des formations de grande qualité menant à de bons jobs, y sont éclipsées par les écoles privées aux stands imposants, aux plaquettes clinquantes et aux argumentaires bien rodés.
Dans cette foire d’empoigne, les 800 000 lycéens et leurs familles qui doivent formuler leurs voeux sur APB jusqu’au 20 mars ont bien du mal à s’y retrouver. D’où d’inévitables crises de nerfs… Virant souvent au dialogue de sourds entre parents inquiets et lycéens pas pressés. « L’orientation, les ados préfèrent ne pas y penser… Ils attendent la dernière minute pour prendre leur décision », note une chargée d’orientation de la chambre de commerce de Paris. Les parents, eux, sont trop souvent bardés de certitudes et de
hautes ambitions. « Tu dois absolument réussir Sciences-Po, comme moi », disent les uns. Tandis que les autres oscillent entre hystérie et parano. « Notre système opaque, complexe, fait que tout le monde a toujours peur de se faire avoir », explique une sociologue de l’éducation, spécialiste des stratégies familiales.
Comment y voir un peu clair, entre les vendeurs de rêves de certaines formations, des experts en orientation autoproclamés, des sites web où le meilleur côtoie le pire ? Ainsi, des officines privées, comme Eduniversal, publient des palmarès de pacotille à la méthodologie pour le moins obscure, en se prétendant, excusez du peu, « leader mondial de la notation de cursus ». A « l’Obs », depuis plus de quinze ans, nous préférons enquêter, éplucher les statistiques, prendre connaissance des travaux de spécialistes et interroger anciens élèves, étudiants, recruteurs et entreprises. Le résultat? Ce dossier de 24pages qui présente les principaux secteurs et professions et flèche les meilleurs parcours pour y accéder. Comment définir un projet qui mène à l’emploi? Quels sont les secteurs qui recrutent et pourquoi? Comment adapter son cursus à la révolution numérique, qui bouscule tous les métiers ? L’orientation est affaire de méthode, bien sûr. Mais aussi de psychologie.
DÉDRAMATISONS AUTANT QUE POSSIBLE!
A force de s’entendre répéter qu’un jeune sur quatre est au chômage, certains, comme Yannick, en terminaleES dans la région du Mans, finissent par ne plus croire en leur avenir : « On a l’impression que, de toute façon, quoi qu’on fasse comme études, on ne trouvera pas de boulot ! » Aujourd’hui encore, la meilleure façon de construire son avenir, c’est bien d’investir son temps, son énergie dans des études supérieures. Et nous avons en France ce privilège, de plus en plus rare à travers le monde : la possibilité d’entrer à l’université, en prépa et dans bien des écoles renommées à un coût très modique. Oui, les diplômes n’offrent plus, en soi, la garantie d’une carrière assurée, mais ils sont bien loin d’avoir perdu toute valeur. En charge d’un observatoire des jeunes diplômés à l’Association pour l’Emploi des Cadres (Apec), Pierre Lamblin, chargé d’études, explique : « En quelques années, la quasi-totalité des bac+5 occupent un emploi stable et obtiennent le statut de cadre. »
Car, partout sur la planète, le niveau de qualification s’élève et, avec lui, les besoins en jeunes bien formés. Seulement, à niveau égal, « le taux de chômage va du simple au double selon les spécialités de formation », constate Daniel Martinelli, chercheur à l’Insee, les salaires également (voir notre tableau ci-contre). Certes, un diplôme aujourd’hui n’offre plus, à lui seul, le sésame pour un job gratifiant et stable, mais nos diplômés sont bien mieux lotis qu’on ne l’imagine. D’ailleurs, malgré la morosité ambiante, notre économie retrouve des couleurs. « Depuis 2015, les recrutements de cadres sont à nouveau en hausse, et le mouvement s’accentue avec des volumes désormais comparables à ceux d’avant la crise de 2008 », se félicite Pierre Lamblin.
INFORMONS-NOUS
Les organismes prospectifs comme le Centre d’Analyse stratégique (CAS) ou encore le Centre d’Etudes et de Recherche sur les Qualifications (Cereq) montrent que le niveau des emplois ne cesse de s’élever année après année. Maîtrisant l’anglais, voire deux langues étrangères, rompus aux nouvelles technologies, les jeunes diplômés ne manquent pas d’arguments pour séduire les employeurs. Et la vague d’innovation numérique qui bouleverse toute notre économie leur ouvre les portes de nombreux secteurs. Sans parler des très nombreux emplois générés directement par le numérique. « Les recruteurs trouvent difficilement des candidats débutants pour tout ce qui touche à l’informatique et aux nouvelles technologies », constate Adrien Ducluzeau, fondateur de La Relève, un cabinet de recrutement pour stagiaires. Un secteur qui représente aujourd’hui à lui seul un recrutement de cadres sur cinq.
DÉPASSONS LES IDÉES REÇUES
Bien sûr, on ne choisit pas son métier à coups de statistiques, et les étudiants qui réussissent le mieux sont ceux qui ont suivi leurs passions, mais les données sur l’emploi des débutants méritent plus qu’un coup d’oeil. Ne serait-ce que relativiser certaines idées reçues. Ainsi, les diplômes de l’université s’insèrent bien plus favorablement qu’on ne le croit. Y compris les littéraires, grâce aux dizaines de milliers de postes d’enseignants, mais aussi avec l’émergence de nouveaux métiers au croisement de la technologie et de compétences plus classiques en communication, marketing, etc. Et puis qui imaginerait que l’industrie manque aujourd’hui de candidats dès bac+2 sur de nombreuses spécialités et que, malgré les plans sociaux et les fermetures d’usines à répétition, on y effectue encore de belles carrières ?
Il faut donc former un premier projet, en ouvrant ses horizons. Ainsi, on peut très bien assouvir son rêve de travailler dans les médias ou dans la mode… en y oeuvrant comme contrôleur de gestion ou informaticien. C’est le plus souvent chemin faisant qu’on trouve sa vocation, au gré des activités découvertes en formation ou dans un stage. A toutes les étapes du parcours, n’hésitez jamais à questionner d’anciens étudiants, des professionnels en exercice. Cherchez votre voie !