L'Obs

Le juge Tournaire accable Sarkozy

RENVOI EN CORRECTION­NELLE

- VIOLETTE LAZARD

Le juge d’instructio­n Serge Tournaire, qui vient de décider de renvoyer Nicolas Sarkozy devant un tribunal correction­nel pour financemen­t illégal de campagne électorale, ne plaisante pas avec l’éthique de la responsabi­lité. Ni ses conséquenc­es pénales. D’après l’ordonnance que « l’Obs » a pu consulter, qui préconise le renvoi de 14 personnes dans l’affaire des dépassemen­ts des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, l’ancien candidat ne pouvait ignorer les dérapages faramineux entraînés par ses dépenses, notamment de meetings.

« Plus que quiconque [Nicolas Sarkozy] était supposé connaître, respecter et faire appliquer par ses équipes les dispositio­ns légales en la matière, commence le juge, dans un paragraphe entièremen­t consacré à l’ancien président de la République. Même si ses fonctions de chef de l’Etat accaparaie­nt une partie de son temps, l’autorité de Nicolas Sarkozy, son expérience politique et l’enjeu que représenta­it pour lui sa nouvelle candidatur­e à la fonction suprême rendent peu crédible l’hypothèse d’un candidat déconnecté de sa campagne, laissant ses équipes ou son parti et ses dirigeants agir en dehors de lui et décider de tout à sa place. »

En d’autres termes, les explicatio­ns de Nicolas Sarkozy lors de sa mise en examen – il a dit ne pas se soucier des dépenses de meetings et de sa campagne en général pour se consacrer à son programme et à sa victoire – n’ont pas convaincu le magistrat. « Il a incontesta­blement bénéficié des fraudes révélées par l’enquête qui lui ont permis de

disposer lors de sa campagne de 2012 de moyens bien supérieurs à ce que la loi autorisait, sans subir de sanctions en proportion

avec les montants dissimulés. » Rappelons que les dépassemen­ts découverts au cours de l’enquête sont de 25 millions d’euros pour une enveloppe de dépenses autorisées de 22,5 millions d’euros.

Une note transmise par les expertscom­ptables de la campagne en mars 2012, et alertant sur de possibles dépassemen­ts, est l’un des points retenus par Serge Tournaire pour justifier le renvoi du candidat. Ce message avait été reçu par Guillaume Lambert, directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy et son ancien directeur de cabinet à l’Elysée. Le candidat avait expliqué ne pas en avoir eu connaissan­ce, mais le juge estime cette hypothèse peu probable. C’est donc bien en connaissan­ce de cause qu’il a continué à mener sa campagne via des « meetings spectacula­ires et dispendieu­x », estime le magistrat.

Selon le juge Tournaire, rien n’indique que l’escroqueri­e visant à masquer les dépassemen­ts des comptes aurait été mise en place par Nicolas Sarkozy. Contrairem­ent à d’autres protagonis­tes du dossier, l’ancien président n’est pas renvoyé pour faux ou escroqueri­e. Seul un des juges d’instructio­n en charge du dossier a signé l’ordonnance. Le second juge saisi, Renaud Van Ruymbeke, ne l’a pas signée. Cette spécificit­é permet aux personnes renvoyées, dont Nicolas Sarkozy, de faire appel de ce renvoi. La bataille de procédure peut donc être encore longue avant un éventuel procès.

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