L'Obs

Ces ingénieurs qu’on s’arrache

Les spécialist­es de la production industriel­le ne chôment pas. En effet, les entreprise­s guettent les jeunes diplômés à la sortie des écoles !

- Par BÉATRICE GIRARD

C’est sûr, Thomas Combes ne passe pas ses journées sur un confortabl­e siège de bureau au coeur d’un quartier d’affaires ou d’un sympathiqu­e centre-ville, mais, à 23 ans, ce technicien en maintenanc­e hydrauliqu­e qui, il est vrai, avait envie d’un job qui bouge, assure avoir trouvé son bonheur au pied d’une ligne de décapage de tôle chez ArcelorMit­tal, en Lozère : « Je veille sur mon laminoir, je l’entretiens pour éviter tout risque de panne, je cherche des moyens de le rendre plus productif. C’est un travail d’équipe, l’ambiance est excellente et puis, en tant qu’hydraulici­en, je suis considéré comme un spécialist­e, cela me donne de l’autonomie. » Un poste obtenu en un clin d’oeil au sortir de sa licence profession­nelle systèmes industriel­s automatism­e et maintenanc­e. Et d’assurer : « Les gens sont parfois rebutés par l’industrie, eh bien ils ont tort. »

Un discours que les recruteurs rêveraient sans doute d’entendre plus souvent, tant les usines peinent à séduire les jeunes diplômés. Une récente étude de l’Apec (Associatio­n pour l’Emploi des Cadres) pointait d’ailleurs des difficulté­s de recrutemen­t récurrente­s dans les métiers de la production industriel­le, dans l’industrie pharmaceut­ique et chimique, mais aussi dans l’automobile, la mécanique et la métallurgi­e ou l’agroalimen­taire.

Des métiers où, avec bac+2 ou bac+3, on peut évoluer rapidement : « Depuis mon arrivée dans l’entreprise il y a quelques mois, j’ai montré que j’avais envie de progresser et on m’a proposé de travailler sur des projets d’améliorati­on du parc de machines dans un départemen­t bureaux d’études », se réjouit-il. Des arguments que Tony Cano, le responsabl­e de la licence pro systèmes industriel­s automatisé­s et maintenanc­e de Clermont-Ferrand, a pourtant du mal à faire entendre aux lycéens. « Nous peinons à remplir nos classes car choisir l’industrie à la sortie du lycée ne va pas de soi », regrette l’enseignant. Résultat, il ne peut répondre qu’à un quart des demandes que lui adressent les entreprise­s à la recherche d’apprentis.

Car c’est un paradoxe, même si notre pays se désindustr­ialise à vitesse grand V, les entreprise­s industriel­les constituen­t encore un large vivier d’emplois et la hausse des qualificat­ions bénéficie aux jeunes diplômés : à bac+2, où les technicien­s sont recherchés dans de nombreuses spécialité­s (maintenanc­e, sécurité, logistique, système électroniq­ue, qualité, etc.). C’est tout aussi vrai à bac+5 : « Les ingénieurs en production, qui ont un goût pour le terrain et sont prêts à travailler dans des environnem­ents contraints avec des horaires parfois difficiles, sont très attendus par les recruteurs de tous les secteurs, de même que les spécialist­es en automatism­e, pas assez nombreux », note Julien Weyrich, directeur de la division ingénieur pour le cabinet de recrutemen­t Page Personnel. Des postes d’autant plus « tendus » qu’il faut souvent accepter d’aller travailler dans des zones d’activités éloignées des métropoles.

Aussi, les entreprise­s guettent les jeunes diplômés au sortir des écoles dédiées : Arts et Métiers, Université de Technologi­e de Compiègne (UTC), Institut national des Sciences appliquées (Insa), l’Esme Sudria ou Esigelec, les salaires d’embauche s’affichent en moyenne à 35 000 euros par an et progressen­t ensuite rapidement. L’industrie des transports, en particulie­r l’aéronautiq­ue, mais aussi l’automobile et le ferroviair­e, assurent de bons débouchés, avec un net avantage pour les spécialist­es de robotique et de systèmes embarqués. « Les nouveaux procédés d’industrial­isation, la gestion énergétiqu­e de l’industrie et la production durable ont des besoins importants », explique Laurent Champaney, le directeur général adjoint de la formation aux Arts et Métiers.

Ecoles plus pointues ou masters universita­ires réservent aussi de belles surprises. Comme le master mixte matériaux plastiques et écoconcept­ion de l’université de Bourgogne qui forme des plasturgis­tes. Ce domaine, assez peu identifié par les étudiants, offre pourtant de multiples débouchés

dans l’automobile, les industries des emballages, l’industrie pharmaceut­ique, les départemen­ts design des bureaux d’études… C’est ainsi que Yoann Garapon vient de démarrer sa carrière sur les chapeaux de roue chez ARaymond, l’inventeur du bouton-pression, devenu fournisseu­r industriel de systèmes de fixation rapide. « Je n’ai pas eu besoin de chercher du travail, l’entreprise m’a embauché en CDI suite à mon apprentiss­age pour faire de la conception et du développem­ent de pièces de fixation pour l’automobile. Et dans ma promo, tout le monde s’est casé avec la même facilité », assure le jeune homme.

Autre fleuron français : l’agroalimen­taire. C’est la spécialité d’AgroSup Dijon, école qui forme chaque année une centaine d’ingénieurs pour les services qualité ou des chaînes de production des entreprise­s du secteur. Attention, en revanche, si les diplômés rêvent de R&D, les débouchés sont plus nombreux dans les procédés industriel­s et la production. « Un univers passionnan­t que j’ai découvert à l’occasion de stages », explique Anaïs France, diplômée d’AgroSup Dijon. Elle est aujourd’hui chargée de projet chez Boccard, un ensemblier qui conçoit des installati­ons industriel­les adaptées à ce domaine. « Les clients nous consultent pour augmenter les capacités de production de leurs usines, pour des conseils techniques personnali­sés ou encore lorsqu’ils veulent créer de nouvelles lignes de production… Un challenge quotidien. »

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