L'Obs

Matisse est toujours vivant

HENRI MATISSE, LE LABORATOIR­E INTÉRIEUR, JUSQU’AU 6 MARS, MUSÉE DES BEAUX-ARTS, LYON. 04-72-10-17-40. CATALOGUE DE L’EXPO, ED. HAZAN, 364 P., 45 EUROS.

- BERNARD GÉNIÈS

On oublie toujours la vie mauvaise avec Matisse (1869-1954). Sa fréquentat­ion nous abstrait de la rugosité et des aspérités moroses du réel. Cette grande exposition lyonnaise ne déroge pas à la règle de l’enchanteme­nt que son oeuvre procure. Ici, le dessin est maître, peintures et sculptures venant lui faire écho. Le déroulemen­t, à la fois chronologi­que et thématique, révèle l’intimité d’une création dont le ferment repose toujours sur un travail intense. On le sait, l’apparente facilité du style matissien ne doit rien à l’improvisat­ion. Les dessins de jeunesse – soit au début des années 1900 – témoignent d’une approche encore liée à celle de maîtres comme Rodin ou Cézanne. Les « Autoportra­its » que l’on découvre ici sont exécutés d’une main qui est encore contrainte, le réseau des stries, des hachures empêchant toute libération de la forme. Comme si la main de l’artiste redoutait de connaître sa propre liberté. Mais l’apprentiss­age sera de brève durée. Dès le début des années fauves – celles où il investit le champ de la couleur pure –, la ligne devient plus spontanée, plus vagabonde. Malgré cette autonomie affirmée, Matisse garde toujours le contact avec un répertoire classique – en témoignent les sections consacrées à « la Grammaire des poses », à « la Forme odalisque » ou aux « Métamorpho­ses. Nymphe et Faune ».

Mais ce lien est loin d’être une contrainte. On mesurera par exemple, dans la belle salle consacrée au rapport du portrait et du visage, combien le dessin et la peinture inspirés par une même modèle (Yvonne Landsberg ou Greta Prozor) s’appuient sur des dynamiques complément­aires : le crayon délimite de manière concise les contours du visage ou souligne une pose cependant que le pinceau et la couleur structuren­t les volumes. Chez Matisse, le dessin peut être esquisse, étude, mais il n’est pas un prologue. Tout comme la peinture, il affirme une perception, une sensation mais aussi un geste. Cette très belle exposition multiplie les regards croisés, suscitant de multiples échos (entre ligne et couleur, volume et contour, espace et compositio­n). Ici, Matisse est bien vivant. Et c’est un bonheur de le savoir à nouveau.

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 ??  ?? « Grande Odalisque à la culotte bayadère », 1925. Ci-contre, « Odalisque au tambourin », hiver 1925-1926.
« Grande Odalisque à la culotte bayadère », 1925. Ci-contre, « Odalisque au tambourin », hiver 1925-1926.

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