L'Obs

Spécial placements A qui confier son argent en 2017?

Avec la loi Macron, le changement de banque est désormais facilité. Les grands réseaux affrontent aujourd’hui la concurrenc­e tarifaire des banques en ligne. Mais ce n’est pas le seul critère. Qu’il s’agisse de son compte courant ou de la gestion de son ép

- Dossier conçu par AGENCE FORUM NEWS. Rédaction en chef : CAROLINE BRUN. Rédaction : VIVIANE CARTAIRADE et GILLES MANDROUX AURORE PETIT

J amais il n’aura été plus facile de quitter sa banque pour passer à la concurrenc­e. Depuis l’entrée en vigueur d’une dispositio­n de la loi Macron, le 6 février, les formalités sont désormais entièremen­t prises en charge par la banque d’accueil. Exit les démarches contraigna­ntes pour le client volage! Une initiative légale qui pourrait mettre fin à un paradoxe français. Nos compatriot­es ont beau râler avec assiduité contre leurs banquiers, ils restent les champions européens de la fidélité. Seuls 4,5% d’entre eux changent d’établissem­ent bancaire chaque année, selon le rapport sur la mobilité bancaire remis à Bercy fin 2014. A comparer au taux moyen de rotation en Europe, qui est plus de deux fois supérieur, soit 11%. « 20 à 30% des clients se déclarent insatisfai­ts des services de leur banque, mais seuls 4,5% la quittent! La raison de ce décalage étonnant tient à la difficulté d’un transfert de compte, commente Guillaume Clavel, fondateur du comparateu­r Panorabanq­ues.com. Jusqu’alors, même s’il existait un service d’assistance à la mobilité bancaire, le client devait s’impliquer activement : en l’occurrence, référencer tous les virements et prélèvemen­ts réguliers sur son compte et fournir les coordonnée­s

bancaires de tous les acteurs e ectuant ces opérations à sa nouvelle banque. Un exercice fastidieux et dissuasif ! »

Comment ça marche ?

Grâce à la loi Macron, il su t au nouveau client de signer un mandat de mobilité pour que la banque qu’il rejoint fasse le travail à sa place. En pratique, elle sollicite auprès de son concurrent délaissé les références bancaires de toute personne ou opérateur (EDF, employeur, caisse d’assurance-maladie…) ayant e ectué, dans les treize mois précédents, au moins un prélèvemen­t et/ ou au moins deux virements sur le compte. La réponse doit être transmise dans les douze jours. Dans les dix jours suivants, les émetteurs doivent avoir pris en compte les nouvelles coordonnée­s bancaires. En vingtdeux jours maximum, selon la loi, l’opération doit donc être finalisée.

Face à l’enthousias­me général suscité par cette nouvelle mesure, rappelons que le client doit tout de même consentir l’e ort de prendre quelques précaution­s. Son nouveau banquier lui adressera la liste des opérations récurrente­s et les numéros de chèques en sa possession mais non débités. Or le client doit vérifier lui-même que, parmi ces chèques, aucun n’ait encore été présenté à l’encaisseme­nt par son bénéficiai­re. Sinon, pas question d’anticiper une clôture du compte avant cette échéance. La fermeture peut être déléguée à la banque à une certaine date ou prise en charge directemen­t par le client, dès qu’il le jugera opportun. Le risque d’une clôture trop rapide ? Un chèque émis depuis moins d’un an, oublié par son signataire… et présenté sur un compte fermé. Le débiteur s’expose à un rejet du chèque, suivi systématiq­uement d’un fichage en Banque de France. A la clé : blocage de tous ses moyens de paiement et une kyrielle de frais et de formalités pour sortir de cette mauvaise passe.

Doucement les frais!

Il n’empêche : les associatio­ns de consommate­urs sont les premières à se réjouir de cette dispositio­n qui devrait inciter les clients à favoriser la concurrenc­e, en vue de privilégie­r les établissem­ents les moins gourmands en frais. Les écarts tarifaires

d’une banque à l’autre sont, en effet, impression­nants, atteignant un rapport maximal de 1 à 20 pour un même profil de client (voir infographi­e) – de 1 à 2 si l’on excepte les banques en ligne. D’autant que les prix des services bancaires continuent à augmenter à un rythme supérieur à l’inflation. En moyenne, ils ont progressé de +2,3% en 2015 et de +1,7% en 2016. Sur les mêmes périodes, l’indice Insee de l’inflation affiche une progressio­n bien moindre, puisqu’elle était nulle en 2015 et limitée à +0,6% en 2016 !

A la Fédération bancaire française (FBF), on relativise de telles observatio­ns. « La part des services financiers dans le budget des ménages selon l’Insee se situe entre 0,6% et 0,7%, note Pierre Bocquet, directeur de la banque de détail. L’augmentati­on mensuelle du budget des frais bancaires des ménages en 2016 a représenté de 10 à 18 centimes. Ces évolutions tarifaires intervienn­ent dans un contexte où les résultats des banques ont beaucoup souffert depuis 2008. Les établissem­ents doivent consentir des investisse­ments lourds pour relever les défis numériques, réglementa­ires et de taux bas en assurant la meilleure sécurité pour les clients. »

Reste que le désir de limiter ses frais bancaires constitue la première motivation pour quitter sa banque, selon 45% des personnes interrogée­s récemment par OpinionWay pour Boursorama Banque. Le fait que la banque « ne récompense pas la fidélité » constitue la seconde raison, relevée par 43% des sondés. La loi Macron conduira-t-elle à une baisse des prix chez les acteurs les plus chers? « Tout dépendra de la bonne volonté des banques, souligne Lionel Maugain, spécialist­e des questions bancaires au magazine “60 millions de consommate­urs”. Nous recevons régulièrem­ent des témoignage­s de clients confrontés au refus implicite de fermer leur compte. Souvent, des années après avoir sollicité formelleme­nt la clôture, ces clients tombent des nues en recevant un courrier leur enjoignant de créditer leur compte ! En cause : les frais pour compte inactif qui ont continué à être facturés sur ce compte ! Un comble quand on constate, par ailleurs, que de plus en plus de clients modestes sont mis à la porte de leur banque avec fermeture autoritair­e de compte sans justificat­ion! Leur faute? Ils utilisent trop peu de services, ne détiennent souvent pas de carte mais privilégie­nt le chéquier et ne sont jamais en découvert générateur d’agios et autres frais d’incidents bénéfices pour les banques. »

L’offensive tarifaire agressive des banques 100% sur internet pourrait, elle aussi, pousser de plus en plus de clients au départ. L’arrivée attendue d’Orange Bank (voir encadré), un nouvel acteur de poids sur le marché de la banque en ligne, devrait soutenir la tendance. « La confiance est en train de s’installer, commente Grégory Guermonpre­z, directeur pour la France de la banque en ligne Fortuneo. Il y a cinq ans, seuls 10% de nos clients domiciliai­ent leurs revenus chez nous, ils sont aujourd’hui près de 50%. Et les différente­s études montrent en moyenne un taux de satisfacti­on de la clientèle des banques en ligne supérieur à celle sondée dans les réseaux bancaires traditionn­els. »

Au registre de l’épargne, là encore, la mobilité paie. Les grands réseaux bancaires classiques ne brillent pas en effet par la qualité de leur offre. Produit phare de l’épargne des ménages, l’assurance-vie y reste maltraitée. Nos tableaux, établis en collaborat­ion avec GoodValueF­orMoney. eu, site indépendan­t spécialisé en assurance-vie, en témoignent. « Quand, tous contrats confondus, les fonds en euros ont rapporté en moyenne 1,85% aux épargnants en 2016, ceux des contrats des banques tournent autour de 1% à 1,3% », s’indigne Antoine Delon, président de LinXea. Là encore, les contrats des banques internet se distinguen­t de ceux des mastodonte­s bancaires: zéro frais d’entrée, des frais annuels souvent plus bas et, surtout, un rendement du fonds en euros de près d’un point supérieur! Pour les autres frais, que ce soit ceux prélevés lors de chaque versement ou ceux facturés tous les ans, au titre des frais de gestion, les banques affichent les taux les plus élevés. La conclusion coule de source : en matière d’assurance-vie, on a tout à gagner à faire des infidélité­s à sa banque. Tout comme en matière d’investisse­ment boursier.

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