CET HOMME EST IL DANGEREUX ?
Le vainqueur de la primaire de la droite peut se targuer d’avoir réalisé, dimanche dernier, un incroyable exploit. Renverser la table, organiser une démonstration de force paisible, sans heurts ni violences, neutraliser Juppé, demeurer comme le seul candidat possible de son camp. Oui, François Fillon « les a tous eus », pour reprendre la manchette du « Parisien » de mardi. Et alors ? Fillon est debout, mais sa famille politique est en lambeaux.
L’ancien Premier ministre a mis son camp en danger. A cause de lui, à cause de sa faute morale, de sa légèreté, de ses approximations pendant des semaines, son parti s’est fracturé. Il faudra plus que des sourires de façade pour panser les plaies. Pour parodier Manuel Valls, il y a désormais deux droites irréconciliables. Fillon n’est certes pas seul responsable de cette évolution, en marche depuis vingt ans. Mais sa campagne accélère ce processus de décomposition. A cause de lui, à cause du Penelopegate ou plutôt du Fillongate, le candidat, dont le devoir est de rassembler, a perdu en route le soutien de l’aile modérée de la droite.
Il a ensuite mis le pacte républicain en danger. Certes, il a précisé qu’il se rendrait à la convocation des juges, contrairement à la présidente du Front national qui prétend ignorer la justice de son pays. Mais en utilisant parfois les mêmes arguments que ceux de Marine Le Pen contre la justice et ceux qui la rendent, François Fillon, ancien Premier ministre et candidat à la magistrature suprême, a pris le risque de brouiller les esprits et la frontière, de plus en plus ténue, entre droite républicaine et droite extrême. Donc de laisser des électeurs filer au FN.
Terrible paradoxe pour celui qui, à l’automne dernier, pendant les débats de la primaire, avait rendu sa fierté à la droite. Parce qu’il était perçu comme un homme sobre, voire austère, intransigeant sur les principes, parce qu’il préconisait l’exemplarité des hommes politiques, parce qu’il avait expliqué, sur France 2, qu’un responsable politique ne pouvait se permettre le moindre « soupçon » à son encontre, il avait fait la démonstration qu’il était possible de défendre des valeurs conservatrices la tête haute.
Aujourd’hui, à en croire les sondages, la droite pourrait ne pas figurer au second tour de l’élection présidentielle. Le candidat serait devenu un homme dangereux, d’abord pour son propre camp. La prudence s’impose pourtant : le peuple de droite veut gagner, quitte à fermer les yeux sur les affaires de son candidat. François Fillon, demain, sauveur de la droite conservatrice, libérale et républicaine ? Ou son fossoyeur ?