PANIQUE À DROITE
8 heures. A peine Dominique Bussereau est-il sorti de sa voiture qu’il est assailli par une nuée de caméras qui l’attendent au Salon de l’Agriculture. Sur le moment, un horrible doute le traverse : « J’ai cru que j’avais écrasé un gamin. » Le président du conseil départemental de Charente-Maritime apprend alors par les journalistes que François Fillon vient d’annuler sa visite aux agriculteurs. Beaucoup dans l’équipe Fillon se sont levés à 6 heures du matin pour attendre le chef, dont l’arrivée était prévue à 8 heures. Aucun d’entre eux n’a été prévenu, « alors que », raconte l’un d’eux, furieux, « le petit noyau dur », lui, l’a été. Réfugié derrière un gros pilier de béton, Bussereau envoie un texto à Bruno Retailleau pour avoir des nouvelles. Fillon fera une déclaration à midi, lui dit-on, dans un premier temps. Deuxième SMS : « Finalement, c’est pas sûr »… Ce qui est sûr, c’est que ça flotte au QG. Et pour cause : on apprendra dans la matinée que Fillon a reçu, la veille au soir, sa convocation par les juges pour le 15 mars, aux fins de mise en examen, suivant la formule consacrée.
Au QG justement, Fillon, qui vient d’avoir Sarkozy au téléphone, reçoit, dans l’ordre, Xavier Bertrand, Gérard Larcher, Valérie Pécresse, Bruno Retailleau et Bruno Le Maire. Ce dernier, au courant depuis la veille de la situation, n’y va pas par quatre chemins et, au nom de la « crédibilité indispensable de la parole politique », lui annonce sa démission de l’équipe de campagne. « Tu t’es engagé publiquement à te retirer si tu étais mis en examen. Moi, je crois à la parole donnée. » Dans la foulée, Le Maire invite tous les élus qui le soutiennent et ses collaborateurs recrutés dans l’équipe Fillon à le suivre. Le geste spectaculaire du député de l’Eure ouvre la première brèche. C’est le début d’une véritable hémorragie d’élus et de collaborateurs. Aujourd’hui, raconte l’un d’eux, il n’y a plus de service courrier…
12h30. Contrairement à toutes les rumeurs qui courent dans Paris sur sa démission, Fillon dénonce, devant une centaine de journalistes réunis au QG pour une conférence de presse, un « assassinat politique ». Le candidat tonne : « Je ne céderai pas ; je ne me rendrai pas. » Après quoi, Fillon met en scène son déjeuner à la brasserie Le Ferryville avec son carré de fidèles, comme Gérard Longuet, Caroline Cayeux et la communicante Anne Méaux, qui parle de « coup d’Etat démocratique », contre un candidat convoqué par les juges, deux jours avant la fin du dépôt des parrainages. Fillon donne le change, sourit.
Dans la matinée, il avait téléphoné à Nicolas Sarkozy pour s’enquérir de son état d’esprit. L’ancien président, qui, depuis le début du Penelopegate, use de paroles apaisantes, n’a pas besoin de l’encourager à tenir : après les hésitations de l’aube, la détermination de Fillon est totale. Grâce à lui ? En tout cas, lorsque Fillon a rencontré, tôt le matin, les ténors de la droite, il a pris soin de recevoir en premier Xavier Bertrand dont il connaît l’opinion. « Tiens bon », lui dit le président des Hauts-de-France. L’avis de ce dernier fera, selon un juppéiste, « capoter le début de l’opération Juppé ». Fillon est cachottier de nature. Encore plus tôt ce matin-là, afin qu’il ne croise pas les suivants, il avait donné rendez-vous à… Laurent Wauquiez, qu’il avait pourtant écarté sans ménagement de la direction du parti au lendemain de sa victoire à la primaire.
Vieux routier politique malgré son jeune âge, le président de la région Auvergne-
Rhône-Alpes applique là le vieux principe qui veut qu’il faut toujours « acheter à la baisse ». Il sait le poids de son soutien à ce moment précis de la carrière de François Fillon. Lors de son déjeuner avec Fillon la semaine précédente, Nicolas Sarkozy lui avait dit : « Tu devrais voir Laurent », et lui avait conseillé aussi de s’appuyer sur François Baroin et Xavier Bertrand. Ce mercredi matin, le candidat de la droite envisage donc de confier l’animation de sa campagne à Wauquiez. Au grand dam des Bertrand et autres Pécresse…