La mode pour tous par Sophie Fontanel

Show Saint Laurent, le second dessiné par Anthony Vaccarello. 99e passage. La top, Luca Gajdus, porte une minirobe dont l’ouverture, devant, est une longue fente toute droite, en strass. A ses pieds, des bottes entièrement faites de strass, elles aussi. Quelqu’un dans la salle, qui bosse pour Net-a-porter, a l’idée de filmer le passage en ne cadrant que les bottes au ralenti. Le talon est biseauté. Pas trop haut. Et ses strass comme une boule à facettes de boîte de nuit… Image familière (très) et festive. Mais surtout, cette vidéo au ralenti nous laisse tout le temps de penser à ce que ces bottes disent, à savoir qu’on fera la fête coûte que coûte, qu’on la fera de nuit, mais aussi le jour, qu’on sera voyants, que nul ne nous réduira à l’invisibilité, que la superficialité est une arme merveilleuse, qu’on s’en fiche de ce qui dure, rien ne dure, qu’on préfère profiter de l’instant et même des parts d’instants à grappiller sur l’autre monde, celui des vrais adultes jamais en bottes à strass, celui des gens jamais contents, jamais tolérants, jamais dehors à pas d’heure. Les premières bottes à strass sont nées dans les années 1960. Roger Vivier en faisait pour Saint Laurent. Pas tout à fait semblables, toutefois. Celles de Saint Laurent (celles d’Yves) signaient une catégorie sociale. Des femmes, d’ailleurs tout aussi maigres, soit dit en passant, que celles qu’on regarde aujourd’hui avec tant de suspicion. La di érence (pour les bottes), c’est que celles-ci, vous allez voir, seront aux pieds de tout le monde. Imitées en masse, sans doute fort mal, car fabriquer ces petites usines à facettes est en réalité une prise de tête. Sinon, on se blesse en les portant, ou alors les strass se carapatent. La version web de cet article montre les bottes. Allez-y voir. Et comparez avec les pauvres tatanes que nous portons tous. Et qui sont si révélatrices de nos personnalités, comme chacun sait.