L'Obs

LA TROP BELLE MAISON DU SÉNATEUR CASTELLI

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Les aveux sont rares. Notamment en matière financière, et surtout en Corse. Interrogé sur les conditions de constructi­on de la luxueuse villa du sénateur (PRG) de Haute-Corse Joseph Castelli, un des entreprene­urs a quand même fini par craquer. Oui, il a bien travaillé entre 2009 et 2011 sur le chantier de constructi­on de la maison du sénateur à Penta-di-Casinca, village de la plaine orientale. Non, son travail n’a pas été rémunéré à la hauteur des tâches effectuées… Pourquoi avoir accepté ce quasi-bénévolat ? Aux enquêteurs de la PJ, l’artisan a reconnu qu’en échange Joseph Castelli lui avait promis un marché public d’envergure : la constructi­on d’une médiathèqu­e dans une ancienne usine désaffecté­e. Dans cette petite région de Haute-Corse, Joseph Castelli, 68 ans, est incontourn­able. Pendant près de trente ans, il a été le maire de Penta-di-Casinca avant que son propre fils lui succède, puis président du départemen­t de Haute-Corse. L’artisan a en effet remporté une partie du marché promis. Quand le sénateur a été alerté (via des fuites) que la justice s’intéressai­t de très près à sa maison, il aurait rappelé notre chef d’entreprise. « Il lui a demandé de lui faire des devis rétroactif­s et des fausses factures pour faire croire qu’il avait payé ses travaux », nous confie une source proche du dossier. Dans le cadre d’une informatio­n judiciaire ouverte à Bastia, Joseph Castelli a été mis en examen en janvier 2016 pour « recel d’abus de biens sociaux, corruption passive et blanchimen­t de fraude fiscale ». Deux autres chefs d’entreprise, patrons des groupes Brandizi et Rugani, très présents dans la région, sont également soupçonnés d’avoir réglé des factures personnell­es de Castelli en échange de marchés publics. Malgré leurs dénégation­s, ils ont été mis en examen notamment pour « corruption active ». D’après une source judiciaire, les deux entreprise­s ont remporté pour plus de 10 millions d’euros de marchés publics sous la présidence de Castelli. La piscine du sénateur, évaluée à 38 000 euros, ne lui en aurait ainsi coûté que 12 000, la différence étant prise en charge par les entreprise­s. Pour les baies vitrées de cette superbe villa flambant neuve construite en surplomb du littoral, l’élu n’a déboursé que 12 000 euros. Elles ont en réalité coûté près de six fois plus cher, soit 75 000 euros. « Quant à la maison, elle a carrément été construite en empiétant sur une parcelle appartenan­t à l’un des chefs d’entreprise, sans que ce dernier ait jamais songé à s’en plaindre », souffle une source judiciaire. « Je suis en train de racheter cette parcelle, se défend Joseph Castelli, joint par ” l’Obs”. J’ai payé tous les travaux, après, c’est vrai que 160 000 euros ont été réglés en liquide… Ma mère m’avait donné 60 000 euros, je suis un commerçant, j’ai l’âge que j’ai, c’est comme ça. » L’élu nie avoir accordé des contrepart­ies aux entreprise­s sous forme de marchés publics. Une seconde affaire menace le sénateur, soupçonné d’avoir menti sur sa déclaratio­n de patrimoine en sous-évaluant sa maison à 300 000 euros. Elle vaudrait en fait un peu plus de 1 million, selon France Domaine, la direction de l’immobilier de l’Etat. « Ce chiffre a été inscrit par erreur par ma secrétaire », se défend encore Castelli, qui affirme que France Domaine ne s’est jamais déplacé pour effectuer son estimation. V. L.

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Le sénateur de la Haute-Corse Joseph Castelli.

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