Mais qui était Semprún ?
Avait-il toujours raison ? Ceux qui ont croisé le chemin de Jorge Semprún (photo) [1923-2011] n’ont jamais pu douter de la force de ses convictions, quitte à les combattre. Sa vie parlait pour lui. Résistant à l’âge de 19 ans, déporté à Buchenwald, membre du Parti communiste espagnol (et son agent clandestin à Madrid sous la dictature franquiste), ministre de la Culture du gouvernement socialiste de Felipe González. Mais Semprún voulait aussi parler. L’écriture a donc été son autre vie : romancier, il a témoigné de son expérience de l’univers concentrationnaire, mêlant fiction et réalité dans des récits comme « le Grand Voyage », « Quel beau dimanche », cependant que dans « l’Ecriture ou la vie » il s’interroge sur la di culté de raconter cette horreur. Qui était Semprún? La biographie que Soledad Fox consacre au scénariste (« Z », « l’Aveu ») et écrivain espagnol ambitionne de détricoter l’écheveau que ce dernier avait tissé entre sa vie et son oeuvre. Elle revient ainsi sur les conditions de son internement à Buchenwald, durant lequel il bénéficia d’un statut « protégé ». Issu d’une famille de la grande bourgeoisie espagnole, Semprún eut probablement la vie sauve grâce aux interventions répétées de ses proches auprès des autorités allemandes à Paris.
Son engagement dans les rangs du Parti communiste espagnol fut quant à lui sans nuances, Semprún soutenant la ligne stalinienne de l’organisation jusqu’au début des années 1960 – il sera exclu du PCE en 1965. Une biographie à charge? Même si elle éclaire des zones d’ombre, Soledad Fox se garde d’instruire le moindre procès. Elle n’en souligne pas moins les ambiguïtés d’un écrivain partagé entre ses origines sociales et ses convictions politiques, partagé encore entre deux cultures (celle de son pays natal, l’Espagne, et celle de son pays d’adoption, la France). Mais au-delà des drames vécus, des déchirures endurées, Semprún apparaît ici comme un militant du siècle qui n’hésita pas à risquer sa vie pour défendre ses convictions. Des convictions qu’il conserva jusqu’au dernier jour : il demanda que son cercueil fût enveloppé du
drapeau républicain.