UNE PÉRIODE TOMBÉE AUX OUBLIETTES
La dernière fois que la Révolution française a été l’objet d’une véritable discussion publique, c’était en 1989, avec les cérémonies du bicentenaire mises en scène par François Mitterrand, Jack Lang et Jean-Paul Goude. Depuis, c’est le silence. Qui se réfère encore au serment du Jeu de paume, à la nuit du 4 août, au vote de la « Déclaration des droits de l’homme » de 1793 ? A l’Elysée, le 14 juillet est devenu l’occasion d’une causerie présidentielle où l’on parle plus de tambouille politique que de vision révolutionnaire. Et quand les dirigeants ou des intellectuels se réfèrent à l’histoire de la nation, ils citent la Résistance, le Front populaire, les lois de la IIIe République sur la laïcité et l’école, ou encore les Lumières. Rarement 1789. Une exception fut l’allusion de Manuel Valls… au sein dénudé de Marianne. Mais les choses commencent à bouger. Cet automne, le philosophe Jean-Claude Milner a publié « Relire la Révolution », où il réhabilite le projet de justice universelle affirmée par la Révolution à travers la « Déclaration des droits de l’homme » de 1793. Au théâtre des Amandiers, Joël Pommerat a monté « Ça ira (1) Fin de Louis », première partie d’une vaste fresque sur la Constituante qui a rencontré un large écho dans toute la France. En juin, le cinéaste Pierre Schoeller (« l’Exercice de l’Etat ») tournera un film sur le sujet. Surtout, les révolutions arabes et les occupations de places façon Indignados ont montré que le temps des mouvements populaires pouvait revenir. Et avec lui des questions cruciales : comment éviter les surenchères, le chaos, la violence ? Comment ne pas revenir à un état pire qu’avant ? Les hommes de 1789 avaient déjà affronté ces dilemmes, il peut être utile de voir comment ils y ont répondu.