L'Obs

Les lundis de Delfeil de Ton

Où l’on voit l’étranger résoudre des problèmes qui se posent aussi chez nous

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Cet homme, âgé de 26 ans, qui manquait de respect pour sa mère, l’autre jour qu’il avait franchi une limite, s’attira la vengeance des autres femmes du village. Elles s’emparèrent de lui, le jetèrent dans une fosse à purin, en l’occurrence la fosse où le village dépose la bouse de ses vaches. Il ne fut autorisé à en sortir qu’après en avoir mangé une certaine quantité, nettoyant ainsi la bouche par laquelle étaient sorties ses imprécatio­ns. Ligoté qu’il était, les femmes le fouettèren­t, puis l’obligèrent à parcourir nu les rues du village pour que chacun pût lui signifier ce qu’il pensait de sa conduite. Bref, ça ne rigole pas tous les jours, en Tanzanie, pour les fils irrespectu­eux, même si cette fois la punition fut telle que la nouvelle en est parvenue jusqu’en Europe. Elle reprenait d’anciennes traditions de l’ethnie fipa, d’une époque où les voyous n’étaient pas tolérés. Lisant sa relation sur une dépêche AFP, nous pensions au contenteme­nt du professeur Alain Finkielkra­ut, de l’Académie française, s’il en a pris connaissan­ce. Voilà un mauvais sujet, aura-t-il pensé, traité comme il se devrait plus souvent. Une leçon qu’on ne pourrait donner telle quelle aux mauvais sujets de chez nous, hélas! les mentalités n’y sont pas disposées. Du moins conviendra­it-il d’en trouver une version adaptée pour ces jeunes hommes d’Afrique, venus vivre dans nos banlieues sans connaître nos codes et nos usages. Pas de respect des lois républicai­nes s’il n’y a d’abord le respect dû aux mères. Le professeur se sera donc interdit de rêver à des fosses de bouse dans nos cités et autres quartiers dits « sensibles » mais il faudra qu’il en parle avec Eric Zemmour.

Le président des Philippine­s, Rodrigo Duterte, lorsqu’il prend la parole, a des emportemen­ts au diapason du président américain Donald Trump. Une rencontre entre ces deux orateurs est prévue pour une date encore indétermin­ée. S’ils tombent d’accord, nous en entendrons de belles. S’ils sont en désaccord, attendons-nous à des trouvaille­s de langage encore plus excessives. Rodrigo Duterte se fait fort d’éradiquer la drogue dans son pays. Luimême s’est flatté d’avoir abattu sans autre forme de procès des supposés drogués et supposés trafiquant­s. Depuis près d’un an qu’il a été porté au pouvoir, les morts dans cette affaire se compteraie­nt par milliers si la peine était prise de les compter. C’est que la police, avec un président de la sorte, ne se sent plus du revolver. Au point que Duterte lui interdit de s’occuper du trafic de drogue. Cette méthode d’éradicatio­n, ajoutée à la corruption des forces policières, finissait par obscurcir un paysage politique prétendu socialiste. Le peuple risquait de n’y plus croire. Cependant, comment combattre le crime sans s’appuyer sur la police ? Duterte lui rendit ses missions de lutte antidrogue mais avec prière d’éviter les excès. Bien, chef. Merci, chef. Pour faire bonne figure, à défaut de bonne mesure, une commission gouverneme­ntale fait la tournée des commissari­ats pour s’assurer que les consignes sont respectées. C’est ainsi que des journalist­es, qui accompagna­ient la commission, entendiren­t des appels étouffés qui semblaient venir d’étagères de livres. Une porte était derrière, ouvrant sur un réduit où étaient entassés des citoyens en attente du versement d’une rançon. Dans les commissari­ats, d’habitude, ce sont des bouteilles d’alcool que cachent les livres, mais aux Philippine­s le fléau de l’alcool a sans doute été déjà éradiqué. D.D.T.

Post-scriptum qui n’a rien à voir. Les souvenirs d’enfance d’un garçon qui ne s’est jamais vu, dès qu’il sut lire, autrement qu’auteur et éditeur de bandes dessinées. Ce qu’il est devenu, et Jean-Christophe Menu les rapporte aujourd’hui, en prose, aux Editions Les Impression nouvelles (« Krollebitc­hes », 176 p., 17 euros). Saveurs d’antan.

La police, avec un président de la sorte, ne se sent plus du revolver.

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