L'Obs

Contre les fanatismes religieux

NATHAN LE SAGE, DE GOTTHOLD EPHRAÏM LESSING. L’ÉPÉE DE BOIS, CARTOUCHER­IE, PARIS-12E, 01-48-08-39-74, 20H30. JUSQU’AU 14 MAI.

- JACQUES NERSON

C’est une pièce à facettes. Suivant la façon dont on l’aborde, elle peut aussi bien empoigner qu’assommer. Il y a vingt ans Alexander Lang l’avait rendue affreuseme­nt lourdingue à la Comédie-Française. Merci à Dominique Lurcel de nous avoir réconcilié­s avec elle. L’histoire se passe à Jérusalem, reprise aux croisés par Saladin en 1187. La tolérance dont « le chevalier de l’islam » a fait preuve à l’égard des chrétiens n’empêche pas le pape d’appeler à une troisième croisade. Pour sauver la fille de Nathan le Sage, un négociant juif dont la demeure était en flammes, un jeune templier a risqué sa vie. Le chrétien et la juive tombent amoureux l’un de l’autre. Il s’avère que Nathan n’est que le père adoptif de Récha. Quand le patriarche de Jérusalem découvre le pot aux roses, il demande à Saladin de mettre à mort ce juif sacrilège qui a osé élever une chrétienne dans sa religion. Point culminant de la pièce, l’entrevue durant laquelle Saladin demande à Nathan de décider quelle est la vraie religion, du judaïsme, du christiani­sme ou de l’islam. Nathan se défausse en contant une parabole : un père doit léguer un certain anneau à son fils préféré mais il aime pareilleme­nt ses trois fils. Pour se tirer d’embarras, il commande à un joaillier deux autres anneaux, si bien imités qu’on ne peut les distinguer du premier. Chaque frère croit posséder le vrai…

Amin Maalouf dit que « la pièce est emblématiq­ue de tous ceux qui espèrent encore pouvoir ramener le monde à la raison ». Il est vrai que son doux scepticism­e verse un baume dans le coeur de ceux qu’alarme la propagatio­n des fanatismes. Cette reprise tombe à point nommé. Là où Dominique Lurcel se montre malin, c’est qu’il ne s’appesantit pas sur le message philosophi­que. Lessing dit sans son aide ce qu’il a à dire. Ainsi la poésie de ce conte écrit sur le modèle de Shakespear­e est-elle préservée. De la distributi­on de 2005 ne reste que Samuel Churin, entre-temps passé du rôle du templier à celui de Nathan. Il s’y montre noble et familier sans jamais faire le raisonneur. Se distinguen­t aussi Jérôme Cochet, le templier bête comme un jeune chien, et Tadié Tuéné, l’adorable frère lai.

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